SADE, Donatien-Alphonse-François, Marquis de (1740-1814)

Manuscrit autographe signé « Sade » à son notaire Charles Gaufridy
[Asile de Charenton], le 6 Fructidor an 13 (24 août 1805), 4 pages in-8

« Je me reserve de disposer a ma mort de 800 f de rente en faveur de l’individu »

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Fiche descriptive

SADE, Donatien-Alphonse-François, Marquis de (1740-1814)

Manuscrit autographe signé « Sade » à son notaire Charles Gaufridy
[Asile de Charenton], le 6 Fructidor an 13 (24 août 1805)4 pages in-8 sur papier vert
Petits trous d’épingle sans atteinte au texte, bords très légèrement effrangés.

Dispositions testamentaires du Divin Marquis. Depuis l’asile de Charenton, Sade organise rigoureusement sa succession


« Dernières propositions faites a ma famille, d’après l’acceptation desquelles, je promets de signer sur le champs la transaction dont on ma envoye le plan. On remarquera en lisant ceci combien je m’écarte peu de ce plan, annexé ci-joint.
On m’accorde pour la cession totale de mon bien ; cinquante mille francs de pension, je les accepte.
On accord a Md
[Marie-Constance] Quesnet vingt-mille francs au lieu de trente cinq qui lui sont dus – elle les accepte ; mais je demande que cette somme porte interet a cinq pour cent du jour ou l’acte se signera, en cela seul consiste la difficulté qui m’est faite, or doit-elle l’etre par des enfants qui connaissent l’origine sacrée de cette dette ?
J’ai demande quinze mille francs pour mes créanciers chirographiques, il se monte [sic] a cette somme, on n’en veut donner que neuf. J’y consens, mais a condition que cest la famille qui s’arrangera avec eux et que l’humeur resultative de leur réduction ne rejaillira pas sur moi.
Monsieur de Coulmiers(1), et le peu de dettes que j’ai ici seront payés de suite sur les revenus actuellement dus par les fermiers en sorte que je serai totalement quitte de ce qui est du a charenton, à l’époque de la signature.
Ma rente de 5000 fr et celle de 1000 fr faite à Md Quesnet arrivant ensemble à la somme de 6000 fr nous seront payer [sic] comme on l’a proposé quartier d’avance tous les trois mois.
Ces deux rentes seront inssaisissables et toujours payées en numeraire en tel lieu que j’habite, elles seront exemptes de toute espece d’impositions et de retenue tant présente qu’à venir.
Je me réserve le château de Saumane(2) et ses dépendances, m’engageant à ne le jamais vendre, mais desirant que Md Quesnet puisse y finir ses jours si elle le veut.
Je me reserve les ventes foncieres si elles revienent.
Je me reserve de disposer a ma mort de 800 f de rente en faveur de l’individu quelconque qui soignera mes derniers instans, et seulement pendant la vie de cet individu.
La rente des vingt mille francs de Md Quesnet sera reversible a son fils.
Seulement pendant la vie de cet enfant.
Md Quesnet ne pourra disposer ni de sa rente, ni de son fond, ces deux objets seront rendus inalienables par l’acte, et elle sera tenu par le même acte a manger cette rente avec moi, pendant ma vie, a ce defaut ladite rente cesserait d’être reversible a son fils. Il faut que les deux rentes soient saisissables sur les fermiers avant qu’on ait le droit de retirer un sol desdits fermiers, qu’il soit déclaré dans l’acte que l’on me regarde comme liquidité envers Md de Sade et ses enfants car les clauses ainsi que l’acte seront signees de la mere et les trois enfants.(3)
Les paiements seront indiqués chez un notaire homme probe et connu, et je me reserve de rentrer dans mes propriétés au moindre defaut de l’une ou l’autre des clauses de ladite transaction.
Le notaire chargé de ma rente la payera a mon ordre, sur un mandat quelque soit mon sort, ma situation ou mon domicile.
Si l’on veut, on pourra céder à Md Quesnet une des terres de Beauce, toujours avec la précaution de la rendre inaliénable alors, elle se chargerait de ses vingt cinq mille francs et du payement des 9000 fr des créanciers chirographiques. Or cette terre qui ne vaut guerre que vingt a vingt cinq mille francs en aquiterait donc vingt neuf. Md Quesnet payerait alors les creanciers avec les revenus de la terre, et le fond serait toujours ainsi que les revenus quand les dettes seraient payées. A ces conditions on ne demande plus que les vingt cinq mille francs de Md Quesnet portent intérêt.
On doit voir que cet ultimatum est beaucoup plus modéré que celui de l’an passé, puisqu’il n’existe plus qu’une difficulté, celle de faire porter intérêt aux vingt mille francs de Md Quesnet.
Je me mets comme on le voit a la raison sur tout le reste, mais je ne puis absolument me relacher sur cette clause.
— Sade »


1 – Monsieur de Coulmiers est le directeur de l’asile de Charenton, où Sade est interné depuis 1803 sous le prétexte de présenter un « état perpétuel de démence libertine ». Coulmiers et Sade entretiennent des rapports très cordiaux, le premier confiant même au second l’organisation de représentations théâtrales régulières au sein de l’asile
2 – Le château de Saumane est l’un des lieux où a vécu le tout jeune marquis de Sade, qui appartenait à son oncle et qui reste la propriété de la famille Sade jusqu’en 1868
3 – Sade insiste sur le fait que cet acte vaille libération vis-à-vis de sa famille. Il a, en effet, eu trois enfants avec sa femme : deux garçons, Louis-Marie né en 1767 et Donatien-Claude-Armand en 1769, et une fille, Madeleine-Laure née en 1771


Sade fait ici expressément la demande à son notaire de procéder à la séparation de biens avec sa femme ; cela fait treize ans qu’ils ne vivent plus ensemble. Il s’assure dans le même temps de mettre sa maîtresse Marie-Constance Quesnet à l’abri du besoin. En outre, il ne manque pas de souligner l’ingratitude de ses enfants.
Ces dispositions testamentaires sont un avant-propos du testament final du Divin Marquis (30 janvier 1806), et dans lequel il y affiche ses dernières volontés.

Note: Manuscrit référencé dans le l’ouvrage d’Henri d’Almeras, Le Marquis de Sade “L’homme et l’écrivain” (éd. 1906), p. 349