HUGO, Georges (1868-1925)

Ensemble de dix-sept lettres autographes signées et un dessin original
Guernesey, Paris, Toulon et Lunel, entre 1885 et 1917, 41 p. en divers formats

« C’est pendant une de ces soirées là, au milieu d’une tempête comme celle-ci que mon grand père a dû écrire les combats de Gilliatt »

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Fiche descriptive

HUGO, Georges (1868-1925)

Ensemble de dix-sept lettres autographes signées « Georges Hugo » ou « Georges » et un dessin original
Hauteville-House (Guernesey), Paris, Toulon et Lunel, entre 1885 et 1917, 41 p. en divers formats
Quelques petits défauts, trous, déchirures marginales, anciennes réparations, petites taches

De cet ensemble, on distingue :
-Trois lettres adressées à son père « d’adoption » Alphonse Daudet, qu’il avait l’habitude d’appeler « Mon bon vieux père »
-Dix lettres adressées à son indéfectible ami Léon Daudet
-Deux lettres adressées à un destinataire inconnu
-Deux lettres adressées à une destinataire inconnue
-Un dessin original à l’encre figurant son ami Léon Daudet et deux des frères Berthelot

Bel ensemble de lettres du petit fils de Victor Hugo, la plupart écrites entre 1885 et 1895
Certaines décrivent d’une façon captivante l’atmosphère de Hauteville-House, telle qu’elle fût laissée par son grand-père, dont l’âme semble plus que jamais imprégner les murs – D’autres dévoilent l’intimité de la famille Hugo, maintenant dépourvue de sa figure patriarcale

Nous n’en transcrivons ici que quelques fragments


Lettre autographe signée « Georges Hugo » à Léon Daudet
Hauteville-House, Guernesey, 2 septembre 1885 3 p. 1/2 in-8° sur papier de deuil, à son chiffre
Petite accident angulaire restauré au ruban adhésif et petite taches marginales

Quatre mois après la mort de son vénéré grand-père, Georges Hugo fait de captivantes découvertes à Hauteville-House

« Léon, mon bon vieux tigre, si tu savais comme ta lettre m’a fait plaisir. Depuis votre départ [Les Daudet avaient séjourné une partie de l’été à Hauteville-House en compagnie de la famille Hugo], il n’y a plus d’entrain ici. Nous ne sortons plus, il vente, il pleut, il fait froid. De sorte que voilà huit jours que nous sommes tout tristes. Je ne peux pas dire que je m’ennuie. On ne s’ennuie pas dans cette maison. Mais on manque de gaîté et d’esprit. […]
Ce sont les soirées qui sont longues. Maman [Alice Lehaene] prend un ouvrage, se met dans un coin avec moi près d’elle et nous ne disons rien. Ma sœur [Jeanne Hugo] a Bob dans ses bras et passe la soirée à le lécher et à lui enlever ses puces qu’elle dépose ensuite délicatement sur n’importe quoi. Quant à Mademoiselle Silvestre [institutrice de Jeanne Hugo] elle se dessèche dans un autre coin en cachant de temps en temps un de ces éclats de rires particuliers après avoir dit une bêtise qu’elle prend pour un mot d’esprit. Mademoiselle Grenier lit tout haut et très mal, Les Travailleurs de la mer, qu’elle n’avait jamais lus et qui sont “très intéressants”. Madame Grenier dort. – Quelque fois tante Chenay nous lit (oh ! horrible, horrible, must horrible) des lettres que son frère lui écrivait quand elle était toute jeune et qui forment dit-elle un “cours complet d’éducation à l’usage des jeunes filles de 10 à 15 ans” tu vois ça d’ici.
À 10h nous allons tous nous coucher […] Au lieu qu’auparavant nous nous endormions après de longues conversations… après des discussions interminables sur les tables tournantes. hein ! quelles discussions ! oh maladie !
Et puis nous étions réveillés par des fessées appliquées sur nos derrières par des pailles solides. Voici des réveils intelligents, au moins.
Dans la journée je visite la maison dans les moindres détails. Tu ne te figures pas tout ce que j’ai trouvé. Des cachettes à n’en plus finir, des murs tournants, des armoires à serrures secrètes, des chambres noires pleines de papiers les plus curieux, des caisses remplies de porcelaines anciennes… Si Trébuchet [cousin de la famille Hugo] était là quel œil louchant il ferait ! quel “épatant” il lancerait.
Quant à la bibliothèque elle est pleine de merveilles.
J’ai rangé hier toute la journée, les papiers qui remplissaient ce grand meuble noir ou nous avons fait cette découverte bizarre… j’ai trouvé dans ces papiers des autographes extraordinaires. Il y a du Corneille.
Quant aux dossiers de mon grand-père et à ses manuscrits “copeaux” etc. il y en a plein une armoire […]
Le lendemain de ton départ une tempête assez forte a éclaté ici et dure encore ce matin… Adieu mon bon vieux tigre. Mes respects à Monsieur et Madame Daudet. J’embrasse zézé. Ton ami
Georges Hugo »


Lettre autographe signée « Georges Hugo » à Léon Daudet
Hauteville-House, Guernesey, 14 juillet 1886 « Vive la République !! », 3 p. petit in-8° à son chiffre

Description de Hauteville-House l’été et jugement sévère sur sa tante et l’institutrice de sa sœur Jeanne

« […] La maison est toujours la même, un peu plus propre, plus confortable, “plus anglaise”, dans les chambres seulement. Les salons sont toujours ceux de Victor Hugo, et la vue aussi. Il fait bon, bien chaud. Le jardin est tout plein de fleurs. Nous avons seulement deux vieilleries insupportables, Silvestre et Chenay, ça m’embête de causer toujours avec un squelette et une gâteuse. Si nous étions ensemble, tout ça passerait […] Je passe ma journée sur la terrasse, ou devant les fenêtres qui donnent sur la mer. Je ne m’ennuie jamais ainsi […]
Georges Hugo »


Lettre autographe signée « ton Georges Hugo » à Léon Daudet
Hauteville-House, Guernesey, 25 juillet 1886, 3 p. in-8° à son chiffre
Petits trous en marge supérieure, sans atteinte au texte

George Hugo, empreint de spleen à Guernesey, trouve refuge dans la maison de son grand-père

« […] Je m’embête un peu depuis quelques jours, c’est tout le temps la même chose ici, quand on est seul. En dehors du temps consacré à la lecture ou au travail, je m’ennuie vraiment. je sors dans la ville ; mais j’y fait toujours la même promenade, je descends les escaliers, au bout de la rue, j’arrive au marché, je tourne à gauche et je monte lentement la grande rue. Je m’arrête à la poste et je reviens, toujours seul. Je rencontre les mêmes types. Je retrouve les filles que nous connaissions l’an dernier, mais je ne les reconnais jamais que quand elles sont passées en riant près de moi, qui ne comprends plus, et puis tous ces anglais me dégoûtent ; je trouve tout triste ; la propreté des rues, des boutiques devient monotone et agaçante. Je reviens alors très vite dans ma vieille maison, où je suis si bien. Tu m’as fait perdre l’habitude de voyager sans ami.
Ma mère attend Lockroy [Édouard Lockroy, qu’elle épousera en secondes noces en 1877], et comme il tarde à venir, elle est toute attristée. Je souhaite son arrivée le plus tôt possible […]
Il pleut aujourd’hui, une petite pluie fine et serrée, comme de la fumée, on ne voit pas le port, c’est très triste, très monotone, même pas de vent. Pas de bruit, les rues sont désertes, c’est dimanche. J’ai entendu tout à l’heure le son protestant de la cloche et puis des pas dans la rue, pendant dix minutes ; on se dépêchait d’aller à l’office, sans parler, maintenant on n’entend plus rien que la voix dure d’une femme qui chante des cantiques dans la maison d’en face, sur un harmonium […]
Au revoir, mon vieux […] envoie moi surtout des nouvelles de tes parents […] Ton Georges Hugo »


Lettre autographe signée « votre Georges Hugo » à Alphonse Daudet
Toulon, 27 août 1891, 3 p. in-12 sur papier brun

Georges Hugo demande son avis à Alphonse Daudet sur ses récents écrits

« Mon cher vieux père, je suis bien malade de cœur et d’esprit. J’ai écrit, dans mes moments de liberté, ces deux choses-là. Je vous les envoie, vous me direz franchement ce que vous en pensez. Si vous êtes content ou non, s’il y a progrès ou pas progrès […] Quand j’écris des choses drôles, ça me donne envie de pleurer et je m’arrête à la seconde ligne […]
Je mène une existence farouche et sauvage depuis un mois. Je suis très mécontent de mon individu
[…]
Quand aurai-je encore la joie de découvrir mon nom écrit de vos fines lettres pointues, au milieu de toute cette calligraphie de papas matelots au grosses mains durcies par la mer ? Je vous embrasse
Votre Georges Hugo »


Lettre autographe signée « votre Georges Hugo » à Alphonse Daudet
Toulon, 6 septembre 1891, 4 p. in-12

Georges Hugo tente de réconforter son cher vieux père puis évoque ses difficultés à écrire et son manque d’inspiration

« […] J’ai beaucoup de peine à écrire. Je suis forcé de m’enfermer, de fumer, de boire du café, des choses qui réveillent. Alors, j’ai des éclairs, des lueurs dont je profite avec fièvre, et puis des engourdissements… qui durent des semaines, ou je ne pense pas, je suis un bête […] »


Lettre autographe signée « Georges Hugo » à Léon Daudet
Toulon, 17 décembre 1893, 4 p. in-12

Allusion enamourée à Pauline Ménard-Dorian, qu’il épousera l’année suivante. De cet union naîtra Jean Hugo, qui connaîtra brillante une carrière de peintre
Le couple Georges Hugo tint l’un des salons les plus prisés de Paris, où il reçu, outre des personnalités politiques, les écrivains Marcel Proust, Émile Zola, Edmond de Goncourt, Jean Cocteau, Max Jacob etc.
La mère de Pauline Ménard Dorian, Aline, fut l’un des modèles de Madame Verdurin dans À la recherche du temps perdu de Marcel Proust

« […] Et puis tu as vu aussi ce qu’il y a de beau, de plus beau que tout au monde, en deux êtres qui se serrent éperdument l’un contre l’autre, qui se prennent doucement les mains et se disent des choses tout bas, les yeux dans les yeux […] Je suis tout seul maintenant, et très loin, mais je me sens si près d’elle, je la sens près de moi […]
Je t’embrasse mon frère chéri
Georges Hugo »


Lettre autographe signée « ton Georges Hugo » à Léon Daudet
Guernesey, 3 juillet [18]95, 3 p. 1/2 in-8° à en-tête de La Marcherie – Guernesey – Ile de la Manche – Angleterre

Évocation de la perte de son petit cheval, qui n’a pas supporté le trajet entre la France et l’île de Guernesey, puis de son fils Jean âgé de seulement un an

« […] Notre petit cheval, notre joli petit cheval, notre ami est mort. La pauvre bête a tellement souffert pendant la traversée, qui fut houleuse […] Heureusement que notre cher petit Jean rempli notre maison de cris de joie et d’éclats de rire. J’ai bien l’impression maintenant que nous sommes trois personnes de la même famille […] Pardonne cette lettre un peu enfantine […]
Ton Georges Hugo »


Lettre autographe signée « ton Georges Hugo » à Léon Daudet
[Mas de Fourques, près Lunel] , 8 juillet 1895, 3 p. 1/2 grand in-8° sur papier vergé bleu

Irruption de la belle famille de Georges Hugo dans son couple

« Mon bon Léon, nous voilà tout à fait installés, en plein soleil, dans notre jolie campagne. Existence paisible, charmante, et sans soucis.
Sans soucis ? Non pas pourtant, l’arrivée de mes chers beaux-parents a jeté un petit trouble. Je ne sais ce qui les gêne auprès de moi, mais ils ont l’attitude d’anarchistes chez des bourgeois. Rien n’est comme il faut. Les allusions pleuvent […]
Je t’embrasse, ton George Hugo »


Lettre autographe signée « ton Georges Hugo » à Léon Daudet
[Mas de Fourques, près Lunel] , 4 décembre 1895, 3 p. 1/2 grand in-8°

Évocations de sa vie à Mas de Fourques dans l’Hérault, enrichie de nombreuses anecdotes


Lettre autographe signée « Georges Hugo » à Léon Daudet
Cowes, île de Wight, 4 août 1898, 1 p. in-8°

George Hugo lance un appel d’urgence à son ami Léon Daudet depuis l’Île de Wight


Lettre autographe signée « ton Georges Hugo » à Léon Daudet
[Hauteville-House, Guernesey], sans date (c. 1890), 4 pp. in-8° sur papier de deuil, à son chiffre

Tempête sur Hauteville-House et évocation de l’ouvrage de son grand-père : Les Travailleurs de la mer

« Il fait une tempête abominable en ce moment.
La cloche du bout du port sonne tout le temps pour avertir les bateaux. Il est très tard et je suis seul éveillé dans la maison. Le vent souffre avec une violence extrême.
J’ai été obligé de mettre des cordes à mes fenêtres pour que les guillotines ne remontent pas – Il n’y a presque personne dans les rues. Pas un bateau dans le port […]
J’entends ici un tas de bruits terribles. Le look-out de verre, battu par le vent et la pluie, fait un fracas épouvantable. Je l’entends de ma chambre qui est au rez de chaussée […]
C’est pendant une de ces soirées là, au milieu d’une tempête comme celle-ci que mon grand-père a dû écrire les combats de Gilliatt… dans les Rocher Douvres [premier chapitre du livre sixième des Travailleurs de la mer]… C’est extraordinaire comme on est impressionnable et nerveux quand on se sent seul éveillé par ce temps-là et à cette heure de la nuit dans cette maison si pleine de souvenirs […]
Mes respects à Monsieur et Madame Daudet (à Monsieur Daudet, si vous pouviez entraîner tout votre monde ici comme nous serions heureux !).
Adieu mon bon Léon
Mon vieux crocodile (puisque tigre n’est plus à la mode)
Ton Georges Hugo »


Lettre autographe signée « votre fils Georges Hugo » à Alphonse Daudet
[paris], sans date (c. 1890), 1 p. in-12 sur “petit bleu” (télégramme)
Adresse autographe au verso
Petite déchirure en marge supérieure

Affectueuse lettre à son « bon vieux père »

« Mon bon vieux père,
Merci, merci pour jeudi, merci d’avoir pensé à nous. […]
Peut-on dire à Lucien de venir après le dîner ? Il a pour vous une adoration. Je ne sais que belle pitié il a trouvé dans votre regard ; cet enfant misérable et élégant vous a de la reconnaissance. Dites à notre chère Madame Daudet que nous l’aimons de tout notre cœur.
Je vous embrasse tendrement.
Votre fils
Georges Hugo »


Deux autres lettres à Léon Daudet, une à un destinataire inconnu et enfin deux adressées à une dame viennent conclure cet ensemble.

Georges Hugo évoquera les moments passés aux côtés de son aïeul dans un livre sobrement intitulé Mon Grand-père, livre de souvenirs, en 1902, puis réédité en 1931. Il meut à 56 ans en 1925, dans la misère et criblé de dettes.