CENDRARS, Blaise (1887-1961)

Lettre autographe signée « Blaise » à Louis Brun
[Biarritz], le 7 janvier 1933, 2 p. in-4to avec enveloppe

« Je n’écris pas pour une récompense »

EUR 2.000,-
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Fiche descriptive

CENDRARS, Blaise (1887-1961)

Lettre autographe signée « Blaise » à Louis Brun des éditions Grasset
[Biarritz], le 7 janvier 1933, 2 p. in-4to avec enveloppe autographe oblitérée
Petit manque au coin supérieur droit sans atteinte au texte

Cendrars refuse avec véhémence que toute distinction officielle soit associée à son œuvre littéraire – Puis, évoquant la perte de son bras droit, il affirme ne pas être hostile à l’idée d’obtenir la Légion d’honneur militaire pour ses faits d’armes pendant la Grande guerre


« Mon cher Brun –
Dans ta lettre du 21 déc. – tu me disais :
« Ne t’occupe donc de rien maintenant
« fiche-moi la paix ! laisse-moi faire »  
D’après les papiers ci-joint je vois que tu as fait beaucoup, beaucoup trop.
Alors, je te les renvoie, en te répétant :
1°) Je ne veux pas de la croix pour ma littérature.
Je n’écris pas pour une récompense.
Tout cela me gêne et m’horripile.
Je ne suis pas juif.
Je n’ai rien demandé.
Maintenant si tu tiens absolument à me forcer la main et à me faire avoir la croix tout en me fermant le bec et sans que je puisse la refuser parce que ayant déjà mis la main dans cet engrenage qu’est la voix hiérarchique j’ai déjà perdu un bras sans rien dire, – tu peux me faire attribuer la Légion d’honneur militaire pour laquelle
1° j’ai déjà été proposé en 1916 (j’ai les papiers de Tremblay),
2° à laquelle j’ai parait-il droit (mais je m’en suis jamais occupé) comme volontaire (engagé volontaire) ;
3° ou comme mutilé à 80%.
Mais, encore une fois, le fait d’écrire n’a rien à voir avec tout ça.
Je t’embrasse de tout mon cœur, traite-moi de grand couillon, etc. etc. mais ne te fâche pas.
Tibi
Blaise
P.S Je te renvoie tous ces papiers pour que tu puisses répondre sans faire esclandre, moi, je me tais. »


Le 29 septembre 1915, Cendrars est gravement blessé au bras droit par une rafale de mitrailleuse, il est amputé au-dessus du coude (Cendrars est droitier). Il est alors cité à l’ordre de l’armée, décoré de la médaille militaire et de la croix de guerre.

Bien qu’évoqué dans cette lettre, c’est presque trente ans plus tard que l’écrivain, deux ans avant sa mort, est fait Commandeur de la Légion d’honneur par André Malraux.

Cendrars rejoint Grasset pendant la période faste de la maison d’édition, dans les années 20. C’est alors qu’il se lie d’une indéfectible amitié avec Louis Brun (bras droit de Bernard Grasset), avant l’assassinat de ce dernier par sa propre femme, pour tromperie conjugale, en 1939.