LAWRENCE, David Herbert (1885-1930)

Lettre autographe signée « DH Lawrence » à George Conway
Hôtel Beau Rivage, Bandol, 29 décembre 1928, 2 p. in-8°, en anglais

« Nous avons vécu trop longtemps pour être choqués par les mots »

EUR 7.500,-
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Fiche descriptive

LAWRENCE, David Herbert (1885-1930)

Lettre autographe signée « DH Lawrence » à George Conway
Hôtel Beau Rivage, Bandol, 29 décembre 1928, 2 p. in-8°, en anglais, enveloppe autographe jointe
Quelques infimes décharges d’encre, toute petite tache sans atteinte au texte, ancienne trace de trombone

Remarquable lettre de David Herbert Lawrence au sujet de son scandaleux roman : L’Amant de Lady Chatterley


[Traduction de l’anglais]

« Cher Conway, je suis affligé d’apprendre que vos exemplaires de l’Amant de Lady Chatterley ne vous soient pas parvenus. Ils ont été envoyés par courrier recommandé il y a longtemps – et le gouvernement mexicain ne les confisquerait sûrement pas, comme le font les douanes américaines ! Je vais demander à Orioli de vous envoyer le bordereau d’enregistrement, pour voir si vous pouvez les retracer. Si ce n’est pas le cas, vous devez en avoir d’autres, s’il en reste. Orioli en a très peu me semble-t-il – ils peuvent tous être commandés. Mais un au moins je vous en garderai un. Il faut savoir ce que les autres sont devenus. Le livre se vend à $ 50 aux États-Unis – et £ 5. ici en Europe – vous voyez donc que c’est une perte.
Votre carte de Noël m’est parvenue ce matin aussi – et comme elle est jolie ! – J’ai aussi un petit livre de vous que j’ai trouvé charmant.
Nous avons abandonné la Villa Mirenda, et sommes un peu désemparés, on se demande où aller et où vivre ensuite. Je pense que dans une quinzaine de jours, nous irons en Espagne et nous essaierons cela. Mais nous pourrions aller au Nouveau-Mexique pour l’été, donc si jamais vous y allez, assurez-vous d’abord de savoir si nous y sommes. – J’étais malade l’année dernière, mais je vais beaucoup mieux maintenant et je redeviens moi-même. Certaines personnes ont été très scandalisées par Lady C., mais beaucoup l’ont pris dans le bon esprit et me restent fidèles. J’espère vraiment que vous obtiendrez vos exemplaires, que vous les lirez et que vous ne serez pas choqué – Mme Conway également. Nous avons vécu trop longtemps pour être choqués par les mots.
Comment allez-vous tous les deux ? Je pense souvent à vous, et je tremble parfois pour vous, en voyant les nouvelles mexicaines. Mais vous continuerez pour toujours, je pense, à faire fonctionner ces tramways et à déchiffrer les messages en espagnol. Très nombreuses salutations de notre part à tous les deux.
D.H. Lawrence »

 

[Texte original]

“Dear Conway,
I am most distressed to learn that your copies of Lady Chatterley’s Lover have not turned up. They were sent by registered book post long ago – and surely the Mexican govt. would not confiscate them, as the U.S.A. customs do! I will ask Orioli to send you the registration counterfoil, to see if you can trace them. If not you must have others, if any remain. Orioli has very few, I know – they may be all ordered. But one at least I’ll rescue for you. But we must find out what became of the others. The book is selling at $50. in USA- and anything over £5. here in Europe – so you see it is quite a loss.
Your Christmas card came this morning too – and how pretty it is! – and I had a little book from you which I thought was charming.
We have given up the Villa Mirenda, and are at a bit of loose end, wondering where to go and where to live next. I think in about a fortnight we shall go to Spain, and try that. But we might go to New Mexico for the summer, so if ever you are passing, make sure first if we are there and do stop and see us if we are. – I was ill last year but I am much better now and getting to be myself again. Some people were much scandalized by Lady C. but many took it in the right spirit, and remain staunch to me. I do hope you’ll get your copies, and will read it and not be shocked – Mrs Conway too. We have lived too long to be shocked by words any more.
How are you both? I think of you often, and quake sometimes for you, seeing the Mexican news. But you’ll go on forever, I feel, running those trams and deciphering Spanish MS.
Very many greetings from us both
D.H. Lawrence”


Quand Lawrence et sa femme Frieda arrivent à Bandol, le 17 novembre 1928, L’amant de Lady Chatterley est sorti des presses de Florence depuis moins d’un an. Écrit en 1927 dans la même ville, à la villa Mirenda, le roman est interdit de vente au Royaume-Uni au motif de ‘’publication obscène’’ : Les scènes érotiques explicites, le vocabulaire considéré comme grossier et la différence de classe sociale entre les amants (un ouvrier et une aristocrate) sont autant de raisons pour les censeurs de le faire interdire de publication. L’édition vendue sous le manteau rencontre alors un vif succès. Le 18 janvier 1929, Lawrence apprend par Laurence Pollinger (son agent littéraire) que 18 livres de Lady Chatterly’s Lover ont été saisis au Royaume-Uni. L’interdiction affecte le romancier qui ne peut que constater et subir l’etroitesse d’esprit dans son pays natal. Ce n’est qu’en 1960, 30 ans après la mort de Lawrence, que l’ouvrage est autorisé de publication au Royaume-Uni.

George Robert Graham Conway et son épouse, Anne Elizabeth, font partie des amis anglais de D.H. Lawrence. Ils le rencontrent au Nouveau-Mexique en 1925. Conway est ingénieur spécialisé dans l’industrie du transport ferroviaire et grand collectionneur de documents relatif à la colonisation espagnole en Amérique.

Bibliographie :
The Letters of D.H. Lawrence
, Keith Sagar & James T. Boulton, vol. VII, p. 108

Provenance :
Collection particulière