[AFFAIRE DREYFUS] DREYFUS, Alfred (1859-1935)

Lettre autographe signée « ADreyfus » [au général Percin]
[Paris], 21 juillet 1906, 1 p. in-8°

« Si j’ai connu bien des vilenies, bien des lâchetés, j’ai au moins eu la consolation de rencontrer quelques hommes courageux »

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Fiche descriptive

[AFFAIRE DREYFUS] DREYFUS, Alfred (1859-1935)

Lettre autographe signée « ADreyfus » [au général Percin]
[Paris], 21 juillet 1906, 1 p. in-8°
Papier à en-tête à son adresse : 101, Boulevard Malesherbes

Lettre historique du capitaine Dreyfus, écrite au lendemain de la cérémonie de remise de ses insignes de chevalier de la Légion d’honneur et une semaine après la fin de son terrible marathon judiciaire, rendu par arrêté de la Cour de cassation


« Mon Général,
J’ai été profondément ému en recevant votre photographie avec votre si aimable dédicace. Si j’ai connu bien des vilenies, bien des lâchetés, j’ai eu au moins la consolation de rencontrer quelques hommes courageux et de grand cœur comme vous.
Permettez-moi de vous dire tout le plaisir que ma femme et moi avons eu de faire votre connaissance, de sentir votre cœur battre à l’unisson des nôtres.
Encore une fois merci et veuillez agréer l’expression de mes sentiments respectueux et bien sympathiques.
ADreyfus »


Alfred Dreyfus est déclaré pleinement innocent par la Cour de cassation le 12 juillet 1906, soit 12 ans après s’être vu condamné à l’unanimité pour trahison par le conseil de guerre. S’en suivront la destitution de son grade, sa dégradation militaire du 5 janvier 1895 dans la cour d’honneur de l’École militaire de Paris devant une foule hostile, puis la déportation perpétuelle dans une enceinte fortifiée au large des côtes Guyanaises. La lettre ouverte d’Émile Zola « J’accuse…! » au président Félix Faure, l’indéfectible soutien de ses proches et les nombreux rebondissements judiciaires permettront au capitaine de retrouver espoir.
Le 13 juillet 1906, Dreyfus est réintégré dans l’armée. Le 20 juillet, à la veille de cette lettre, il est fait chevalier de la Légion d’honneur « lors d’une cérémonie qui sembla refermer l’Affaire sur un acte éminemment symbolique et politique, dans l’institution même où il avait été dégradé douze ans auparavant » (V. Duclert, Alfred Dreyfus. L’Honneur d’un patriote. Editions Pluriel, 2016, p. 571). À la demande de Dreyfus, la cérémonie a lieu dans “la petite cours des jardins” et non pas dans la grande cour où avait eu lieu sa dégradation douze ans auparavant. Étaient présents les familles d’Alfred et de Lucie, le général Picquart (en civil), le procureur général Baudoin, Anatole France, Joseph Reinach, le général et Mme Percin, M. et Mme Armand Dayot, les docteurs Paul Reclus et Brissaud, Victor Simon, Alfred Capus, Mme Arman de Caillavet, la femme de Bernard Lazare, Isabelle Lazare-Weiler, le commandant Emile Mayer, le capitaine Cassel et de nombreux journalistes. Le général Gillain lui remit les insignes. « Tout cela était si émouvant, écrivit Dreyfus dans ses Carnets, que les mots sont impuissants à en donner la sensation » (p. 264). Malheureusement, la rapidité avec laquelle cette cérémonie fut organisée empêcha certains défenseurs de Dreyfus d’être avertis ou d’y assister. On remarqua l’absence du général André, l’un des principaux artisans de la réouverture du procès. Le 27 mars 1912, Alfred Dreyfus enregistra cette déclaration : « Ce 20 juillet 1906, c’est une belle journée de réparation pour la France et la République. Mon affaire était terminée. Elle aura marqué un tournant de l’humanité, une étape grandiose vers une ère de progrès immense pour les idées de liberté, de justice et de solidarité sociale ».

Le destinataire de cette lettre est selon toute vraisemblance le général Percin, présent le 20 juillet à la cérémonie de remise des insignes de chevalier de la Légion d’honneur au commandant Dreyfus (voir supra). Il envoi au capitaine, le 21 juillet, une photographie dédicacée le représentant de profil en uniforme. Actuellement conservée au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme (don des petits-enfants du capitaine Dreyfus), cette photographie porte cette dédicace : « Au Commandant Dreyfus chevalier de la Légion d’honneur, témoignage de profonde sympathie, Général Percin, 21 juillet 1906 ».

Provenance :
Collection M. Vlahakis
Puis collection M. Gaito (par descendance)