ARAGON, Louis (1897-1982)

Poème autographe signé « Aragon »
S.l.n.d, 1 p. in-8° oblongue

« Vous n’éveillerez pas cette enfant. Elle est morte »

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Fiche descriptive

ARAGON, Louis (1897-1982)

Poème autographe signé « Aragon »
S.l.n.d, 1 p. in-8° oblongue

Bouleversant poème extrait de La Diane française


« Dune petite fille massacrée

Vous pourrez revenir ce sera vainement
Surenchérir l’enfer et la bête féroce
Vous pourrez enfoncer la porte avec vos crosses
Allemands

Vous n’éveillerez pas cette enfant. Elle est morte
Avant d’avoir ouvert tout à fait ses grands yeux
Rien ne la tirera du rêve merveilleux
Qui l’emporte

Dans ses cheveux défaits elle dort. On croirait
Vraiment qu’elle va respirer qu’elle respire
Dans ses petites mains la nuit met son empire
En secret

Elle ne porte plus le poids de sa mémoire
La rose pour mourir a simplement pâli
Doucement doucement doucement elle oublie
Vivre et voir

Aragon »


« D’une petite fille massacrée » est écrit à la mémoire de Jeannie Chancel, fille de Jean et Mady Chancel, résistants de Saint-Donat et amis du couple Aragon. Au lendemain d’un parachutage de matériel dans la nuit du 14 au 15 juin 1944, supervisé par Jean Chancel et auquel Aragon et Elsa participent, les Allemands organisent une opération punitive dans le village : ils y mènent pillages et massacres. La fillette, âgée de treize ans, malade, ne peut pas s’enfuir avec la plupart des habitants. Restée chez des amis, elle est violée et meurt, le 24 août suivant d’une méningite.

Cette tragique existence trouve un écho dans chaque trissyllabe qui clôt son quatrain d’alexandrins, mimant une mort aussi prématurée que brutale.

Ce poème est l’un des six inédits intégrés au recueil La Diane française. Il laisse apparaître en filigrane le poème de Rimbaud « Le Dormeur du val » ; on n’ignore pas l’admiration du résistant pour le Voyant.

Référence :
Aragon, Œuvres poétiques complètes, éd. Ristat, Pléiade, t. I, p. 1029-1030