BARBÈS, Armand (1809-1870)
Lettre autographe signée « A. Barbès » à un écrivain républicain exilé
La Haye, 6 février [18]69, 3 p. in-8° sur papier vergé bleu
« Abominable chose que la France se soit trouvée dans le sens d’une tyrannie capable d’imprimer une pareille tache sur son histoire ! »
Fiche descriptive
BARBÈS, Armand (1809-1870)
Lettre autographe signée « A. Barbès » à un écrivain républicain exilé
La Haye, 6 février [18]69, 3 p. in-8° sur papier vergé bleu, à l’encre noire
Importantes déchirures aux plis, petit manque sur chacun des feuillets (sans atteinte au texte), brunissure centrale, rubans adhésifs de renforts sur les deux feuillets (voir scans)
Un mot caviardé par Barbès
Barbès s’insurge contre le soutien français apporté aux troupes pontificales face aux Chemises rouges de Garibaldi, lors de la décisive Bataille de Mentana en Italie
« Cher Citoyen,
Merci de me traiter en ami. Et merci de votre livre.
Je n’ai pu en lire encore que quelques pages. Mais je vois que vous marchez vaillamment à l’assaut de la grande superstition qui pèse sur tant d’esprits.
Faire luire la vérité dans ces esprits est en effet, le vrai moyen d’en finir décidément avec Rome [allusion à l’emprise des États pontificaux sur Rome]. Tant que la légende subsistera, il y aura toujours des gens pour l’exploiter à leur profit, et commander des crimes comme celui qui porte le nom de Mentana.
Abominable chose que la France se soit trouvée dans le sens d’une tyranie capable d’imprimer une pareille tache sur son histoire.
Vous me parlez de ma santé, et de grandes espérances qui se lèvent à l’horizon.
Je vais toujours très mal, presque plus mal que jamais, car à mes souffrances habituelles s’ajoute un sentiment de faiblesse que je n’avais pas encore aussi profondément éprouvé. Cruelle affaire si je me trouvais condamné à rester couché, lorsqu’il faudrait être debout.
Mais ce triste état de ma personne ne m’empêche pas de constater avec bonheur que la France reprend une activité qui ne peut manquer d’amener bientôt sa délivrance.
Délivrance dont, par parenthèse, je n’ai jamais désespéré, et qui doit, par contre-coup, changer la destinée du monde.
Continuez vos travaux puisque vous avez, du moins, cette bonne fortune d’énergie et de volonté d’employer ainsi d’une manière utile ces temps d’expatriation.
Je vous serre les mains de cœur,
A. Barbès »
Ville de la province de Rome, Mentana est le théâtre d’une bataille majeure livrée le 3 novembre 1867 pendant les guerres du Risorgimento, opposant les Chemises rouges de Giuseppe Garibaldi aux troupes pontificales et françaises (envoyées par Napoléon III) commandées respectivement par les généraux Hermann Kanzler et Polhes. Les forces garibaldiennes, désirant intégrer les États pontificaux à l’Italie et à faire de Rome la capitale du pays, subissent une défaite décisive mettant fin à leur campagne de l’Agro Romano pour la libération de Rome.
Homme politique, militant républicain et révolutionnaire français, Armand Barbès est opposant à la monarchie de Juillet. Amnistié en 1854, aux premiers jours du Second Empire, il est libéré par Napoléon III. Barbès s’exile volontairement en Hollande et ne reviendra jamais en France. Il y meurt le 26 juin 1870, à la Haye, quelques semaines seulement avant la chute du Second Empire, le 4 septembre 1870.