CARNOT, Lazare (1753-1823)

Lettre autographe signée « L. Carnot » à Louis-Bernanrd Guyton
Arras, le 31 mars 1793, 1 p. 1/2 in-8

« Je crois que Dumouriez est un monstre »

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Fiche descriptive

CARNOT, Lazare (1753-1823)

Lettre autographe signée « L. Carnot » à Louis-Bernanrd Guyton
Arras, le 31 mars 1793, 1 p. 1/2 in-8
Trace de pliure centrale due à l’envoi d’origine, légères taches brunes en marge

Exceptionnelle lettre de Carnot après la débâcle de l’armée française à Neerwinden, à quelques heures de la trahison de Dumouriez

“Je crois que Dumouriez est un monstre, tâchez de trouver un homme qui puisse le remplacer et faites lui faire bien vite son procès”


« Arras Le 31 mars 1793. L’an 2 de la République
Je ne puis vous dire mon cher Guyton à quel point en font nos collègues de la Belgique avec Dumouriez. Nous les avons quitté hier, pour continuer notre opération du recrutement. Cette opération entraine à des dilapidations effroyables et j’ose dire par la faute de la Convention Nationale qui s’est obstinée à permettre les remplacemens. On a rejeté l’article que j’avois proposé à ce sujet pour le proscrire. Il en resulte des maux que je ne puis vous exprimer, on donne jusqu’à 1800 livres pour le faire remplacer, les volontaires qui savent cela désertent leurs bataillons pout venir s’enroler dans les communes, à peine sont-ils enrolés qu’il désertent de nouveau pour s’enroler dans une autre commune, un autre district ou un autre département, il s’enrolent dans cinq ou six endroits recoivent cinq ou six engagements et au bout de tout cela ne rejoignent aucun corps, cet abus est poussé à un tel point que sur 97 recrues faites dans le district de St Omer 7 seulement on rejoint. Je n’en dirai pas plus sur cet article, il est cruel que la Convention ne veuille s’en rapporter sur de pareils objets qu’à des personnes qui n’y entendent rien. La dernière loi pour remédier à la desertion est assez bonne mais très insuffisante encore. Les insurrections de l’intérieur ne sont dues pour ainsi dire qu’à l’imperfection ou plutôt aux vices essentiels de la loi du 24 février.
Je crois que Dumouriez est un monstre tâchez de trouver un homme qui puisse le remplacer et faites lui faire bien vite son procès.
Il me semble aussi que vous délibérez sous le couteau les départements en gémissent et nous sommes étonnés que la Convention qui montre de l’énergie ne puisse venir à bout des assassins.
Votre concitoyen et ami
L.Carnot »


Charles François Dumouriez (1739-1823) quitte Paris le 26 janvier 1793. Arrivé à Amiens, il y apprend la rupture de l’alliance entre la France et l’Angleterre et, conséquemment, avec la Hollande. Pour prendre de vitesse les armées de la coalition, il entreprend l’invasion de cette république avec treize mille cinq cents hommes mal équipés et mal nourris, la faute à l’administration de Pache. Il repousse le prince Frédéric Josias de Saxe-Cobourg et livre la bataille de Neewiden le 18 mars 1793, où les troupes françaises, bien que maîtresses du champ de bataille, essuient un véritable échec. Dumouriez suscitait déjà la méfiance auprès de la Convention avant même cette bataille. Cette dernière terminée, c’est la débâcle en Belgique : les armées françaises reculent et la république doit renoncer au dessein de réunion des anciens Pays-Bas autrichiens à la France, qui était pourtant en train de s’accomplir.
Une foule d’accusations s’élève alors contre Dumouriez au sein de la Convention, laquelle, décrète qu’il doit être traduit à la barre à l’Assemblée, puis au Tribunal révolutionnaire nouvellement établi. Il accepte les ouvertures que le prince de Cobourg lui fait : il qui propose de se joindre à lui pour rétablir la constitution donnée par l’Assemblée nationale constituante, libérer Marie-Antoinette et ses enfants de la prison du Temple, dissoudre la Convention et rétablir une monarchie constitutionnelle.
Cependant, ses projets ayant transpiré, la Convention envoie le 2 avril à son quartier général des députés pour le suspendre et lui ordonner de venir rendre compte de sa conduite. Dumouriez les fait aussitôt arrêter puis livrer aux Autrichiens.
Le 4 avril, le général Dumouriez, qui a promis aux Autrichiens de livrer la place-forte de Condé, est contraint de rebrousser chemin, les troupes de la garnison ayant eu vent de la trahison.

Lazare Carnot (1753-1823) est un physicien, général et homme politique français. Membre de la Convention nationale et du Comité de salut public, il est surnommé « l’organisateur de la Victoire ». Directeur, il est ensuite comte de l’Empire.

Louis-Bernard Guyton-Morveau (1737-1816) est un chimiste, jurisconsulte, homme politique français et régicide. Il entre au Comité de salut public le 6 avril 1793 et est l’un des promoteurs du calendrier révolutionnaire avec Fabre d’Églantine.

Voir l’article de Jean-Pierre Bois à propos de cette lettre