CEZANNE, Paul (1839-1906)
Lettre autographe signée « Paul Cézanne » à Octave Mirbeau
Aix [en-Provence], 11 juillet 1903, 2 pp. in-8°
« Je continue à chercher, à développer par le dessin et la couleur l’idée d’art que je crois avoir »
Fiche descriptive
CEZANNE, Paul (1839-1906)
Lettre autographe signée « Paul Cézanne » à Octave Mirbeau
Aix [en-Provence], 11 juillet 1903, 2 pp. in-8°
Fente en marge inférieure à la pliure centrale
Rare lettre de Cézanne, éternel insatisfait, à la recherche perpétuelle de la perfection dans sa peinture
« Mon cher Mirbeau
Je viens de recevoir une lettre de mon fils qui m’a mis au courant de l’intérêt que vous me portez. Votre point d’appuis moral m’est trop précieux pour que je vous en remercie.
Je continue à chercher à développer par le dessein [sic] et la couleur l’idée d’art que je crois avoir.
Il me sera sans doute donné malgré mon âge avancé de vous revoir et ce sera une grande joie pour moi de pouvoir causer avec vous de cette donnée d’art qui préoccupe tant de bons esprits.
[Il procède à plusieurs repentirs dans la formule de politesse] Veuillez me agréer croire mes bien cordialesment à vous salutations.
Paul Cezanne
[Il rajoute au dos du premier feuillet] Avec tous mes remerciements »
Autant que l’on sache, le peintre et le critique ne se sont rencontrés qu’une seule fois, à Giverny, chez Claude Monet, le 28 novembre 1894. À l’invitation de Monet, qui a pris l’initiative de la rencontre, Mirbeau répond avec enthousiasme, mais non sans une certaine crainte. En effet, il connaît de réputation le caractère sauvage du peintre provençal : « Nous irons mercredi, c’est entendu […] Mais, sapristi, que Cézanne n’oublie pas de venir, car j’ai un violent désir de le connaître ».
Pourtant, malgré les nombreux séjours de Cézanne en région parisienne au cours des années suivantes, aucune autre rencontre n’est attestée, ce qui ne manque pas d’étonner. La timidité légendaire doublée de sauvagerie du peintre, qui fuyait les contacts et faisait preuve, en société, d’une maladresse déconcertante, contribue sans doute à expliquer qu’il n’ait apparemment fait aucun effort pour revoir son admirateur.
Cette lettre est officiellement motivée par une missive de son fils, Paul, qui a dû rencontrer Mirbeau dans des circonstances que nous ignorons. C’était là une nouvelle occasion d’attirer sa bienveillante attention sur des recherches artistiques : « le dessin et la couleur », « l’idée d’art que je crois avoir ». – Ainsi Cézanne révélait-il à son ami Zola, plus de vingt ans auparavant, dans une lettre, qu’il « [s]’ingéni[ait] toujours à trouver [s]a voie picturale ». Peintre en quête perpétuelle d’un absolu par le contact primitif et organique, il a les traits de l’artiste torturé éternellement insatisfait, si bien qu’il finit par détruire une importante partie de son œuvre.
Les lettres de Cézanne sont rares, celles faisant allusion à son art le sont d’autant plus ; ainsi avait-il peut-être du mal à formuler clairement, au moyen des mots, des tâtonnements liés à une évolution de sa sensibilité esthétique plus qu’à des théories rationalisables. Toujours est-il qu’il manifeste son vif désir de revoir Mirbeau.
Cézanne apparaît tant comme un continuateur de l’esprit classique français qu’un innovateur radical par l’utilisation de la géométrie dans ses portraits, natures mortes et nombreux paysages. Il est considéré comme le « père de l’art moderne »
Provenance :
J. A. Stargardt, Berlin, 21-22 mars 2006, n° 648
Bibliographie :
Paul Cezanne. Cinquante-trois lettres, J.C Lebensztejn, Paris, L’Échoppe, 2011, p. 62
« Une lettre inédite de Cezanne à Mirbeau », P. Michel, Cahiers O. Mirbeau, n° 14, 2007, p. 228-235