CHAR, René (1907-1988)

Lettre autographe signée « René Char » à Marianne Oswald
S.l, 11 janvier 1950, 1 p. grand in-4°

« J’ai tué quelques salauds par nécessité militaire et civique en 1940-1944 »

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Fiche descriptive

CHAR, René (1907-1988)

Lettre autographe signée « René Char » à Marianne Oswald
S.l, 11 janvier 1950, 1 p. grand in-4°
Déchirures aux pliures, deux petits manques angulaires sans atteinte au texte, infimes taches

Par une courte et percutante autobiographie dans le cadre de son portrait à la radio, le poète évoque sans détour ses faits d’armes pendant la Seconde Guerre mondiale


« Chère Marianne
Vos lettres viennent seulement de me parvenir car je suis un peu par monts et par vaux tous ces temps ci. Je me réjouis de votre succès en Allemagne dont j’avais eu par un ami qui en revient des échos. Merci de votre courage et de votre amitié. Que voulez-vous dire à la radio sur moi ?
Ces trucs là sont toujours une exhibition de tripes. Je crois que vous me connaissez assez pour improviser un portrait n’est-ce pas ? Pour le reste je suis né en 1907 à L’Isle-sur-Sorgue – Vaucluse. Je me suis bien emmerdé jusqu’à 20 ans, beaucoup [trop] mal présenté au monde sous l’aspect d’un élève de lycée révolté et souvent puni. Puis j’ai “gagné” ma vie en veuvant de la chicoré et du whisky à Marseille (j’avais 18 ans !), j’ai traversé la Méditerranée et vécu en Tunisie. Revenu, je me suis occupé de la terre que j’aime bien et de matériaux de construction que j’aime moins. Voilà pour l’estomac.
Sous les nazis, le maquis, puis à l’État-Major. Interallié à Alger en fin de débarquement.
J’ai tué quelques salauds par nécessité miliaire et civique en 1940-44. Je ne m’en vante pas, il y a trop de survivants qui les prolongent et les surpassent en saloperie. À présent je suis contre la peine de mort qui n’arrange rien.
Fraternellement à vous
René Char
P.S. Pour l’instant on m’applique un traitement en clinique, contre mes troubles de circulation. Je pense que dans qqs jours ça ira mieux et qu’on pourra se voir. »


Pendant l’Occupation, René Char, sous le nom de « Capitaine Alexandre », participe, les armes à la main, à la Résistance, qu’il nomme « école de douleur et d’espérance ». Il commande la section atterrissage parachutage de la zone Durance. Son quartier général est alors installé à Céreste dans les Basses-Alpes. C’est dans le maquis que le poète compose son plus célèbre recueil : les Feuillets d’Hypnos.

Marianne Oswald (1901-1985), chanteuse et actrice, amie des poètes, était une remarquable diseuse. Elle participait à ses émissions radiophoniques et télévisées consacrées à la poésie.