[CHATEAUBRIAND] STAËL (de), Germaine (1766-1817)

Lettre signée « Necker de Staël » à Claire de Duras
[Paris] dimanche 11 mai [1817], 3 pp. in-8°

« Je n’ai, Dieu merci, jamais nui à aucune personne avec qui j’ai eu des relations »

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Fiche descriptive

[CHATEAUBRIAND] STAËL (de), Germaine (1766-1817)

Lettre signée (sans doute dictée à son fils) « Necker de Staël » à Claire de Duras
[Paris] dimanche 11 mai [1817], 3 pp. in-8°
Adresse autographe sur la quatrième page
Bris de cachet (fragment conservé), quelques rousseurs

L’une des toutes dernières lettres de Germaine Staël, à la signature crépusculaire
La Baronne évoque la Vallée-aux-Loups de son ami Chateaubriand, dont ce dernier souhaitait se séparer – Elle en profite pour faire une sévère mise au point avec sa correspondante


« L’ambassadeur d’Angleterre est venu me voir hier, my dear dutchess, et il m’a dit qu’il était persuadé qu’on trouverait parmi les Anglais quelqu’un qui achèterait la campagne de M. de Chateaubriant [sic] si l’on ne craignait pas le droit d’aubaine ; M. Egerton, possesseur de l’hôtel de Noailles dans la rue Saint-Honoré envoie pétition sur pétition à l’ambassadeur d’Angleterre relativement à cette difficulté, je ne vois si elle pourrait être surmontée.
Vous m’avez fait beaucoup de peine l’autre jour par votre manière de me parler de ma prétendue indiscrétion. Je me crois la personne du monde la plus sérieuse dans ses sentiments de quelque nature qu’ils soient ; et si j’ai donné l’idée de l’imprudence c’est si vous permettez que je le dise en me compromettant moi-même et précisément parce que j’aime mieux mes sentiments que mes intérêts ; je n’ai, Dieu merci, jamais nui à aucune personne avec qui j’ai eu des relations, et j’en ai servi plusieurs : je suis fâchée que vous m’obligiez à m’expliquer à vous, car il me semblait que l’affection que vous m’inspirez devait me révéler tout entier à vous.
Dimanche 11 mai
Necker de Staël »


C’est en février 1817 que Germaine de Staël est frappée de paralysie en arrivant à un bal, chez le duc Decazes. Cette paralysie d’origine néphrétique lui ôte l’usage de presque tous ses membres. Elle demeure toutefois pleinement consciente et reçoit chez elle ses invités. Les lettres de la baronne écrites à partir cette période et jusqu’à sa mort, six mois plus tard, seront pour la plupart dictées à son fils.

Madame de Staël ayant passé à Paris l’hiver et le printemps de 1817, elle n’échange plus avec son amie Claire de Duras que des billets. Dans cette présente lettre, elle répond à un reproche que lui avait adressé la duchesse de Duras et qu’elle considère injuste. Elle ne l’accepte pas et lui répond assez vertement. Cette brouille entre les deux amies ne tarda pas à tomber. En effet, ce n’était pas le moment de se fâcher avec Madame de Staël. Elle touchait à sa fin et chacun le savait.

Claire de Duras (1777-1828) est restée célèbre pour son roman Ourika (1823), qui analyse les questions d’égalité raciale et sexuelle. Elle est considérée aujourd’hui comme une précurseure du féminisme.
Au regard de leur correspondance, il n’est pas de doute que Madame de Staël tournait souvent sa pensée vers cette jeune amie. Claire de Duras devait ainsi représenter pour elle l’une des figures apaisantes de ses derniers instants

Madame de Staël expire quelques semaines après avoir signé cette lettre, le 14 juillet 1817. La duchesse de Duras lui survécut 11 ans.

Bibliographie :
Baronne de Staël et la Duchesse de Duras, éd. Comte d’Haussonville, Imp. du Figaro, 1910, p. 46

Provenance :
Succession de la famille de Durfort