ÉLUARD, Paul (1895-1952)

Poème autographe signé « Paul Eluard »
S.l.n.d, 2 p. in-folio sur papier vélin fin vert pâle

« La paupière du soleil s’abaisse sur ton visage »

EUR 10.000,-
Ajouter à la sélection
Fiche descriptive

ÉLUARD, Paul (1895-1952)

Poème autographe signé « Paul Eluard »
S.l.n.d, 2 p. in-folio sur papier vélin fin vert pâle
Encadrement sur mesure (63,8 x 43,5 cm)
Légères brunissures aux marges

Manuscrit complet de l’un des quatre poèmes publiés dans Facile, chef-d’œuvre du surréalisme témoignant de l’émulation artistique entre Paul Éluard, son épouse Nusch et Man Ray, à qui elle sert de modèle


A LA FIN DE L’ANNÉE, DE JOUR EN JOUR PLUS BAS, IL ENFOUIT SA CHALEUR COMME UNE GRAINE.

« I
Nous avançons toujours
Un fleuve plus épais qu’une grasse prairie
Nous vivons d’un seul jet
Nous sommes du bon port

Le bois qui va sur l’eau l’arbre qui file droit
Tout marché de raison bâclé conclu s’oublie
Où nous arrêterons-nous
Notre poids immobile creuse notre chemin

Au loin les fleurs fanées des vacances d’autrui
Un rien de paysage suffisant
Les prisons de la liberté s’effacent
Nous avons à jamais
Laissé derrière nous l’espoir qui se consume
Dans une ville pétrie de chair et de misère
De tyrannie

La paupière du soleil s’abaisse sur ton visage
Un rideau doux comme ta peau
Une aile salubre une végétation
Plus transparente que la lune du matin

Nos baisers et nos mains au niveau de nous-mêmes
Tout au-delà ruiné
La jeunesse en amande se dénude et rêve
L’herbe se relève en sourdine
Sur d’innocentes nappes de petite terre
Premier dernière ardoise et craie
Fer et rouille seul à seule
Enlacés au rayon debout
Qui va comme un aveu
Écorce et source redressée
L’un à l’autre dans le présent
Toute brume chassée
Deux autour de leur ardeur
Joints par des lieues et des années

Notre ombre n’éteint pas le feu
Nous nous perpétuons. »

« II
Au-dessous des sommets
Nos yeux ferment les fenêtres
Nous ne craignons pas la paix de l’hiver

Les quatre murs éteints par notre intimité
Quatre murs sur la terre
Le plancher le plafond
Sont des cibles faciles et rompues
À ton image alerte que j’ai dispersée
Et qui m’est toujours revenue

Un monotone abri
Un décor de partout

Mais c’est ici qu’en ce moment
Commencent et finissent nos voyages
Les meilleures folies
C’est ici que nous défendons notre vie
Que nous cherchons le monde

Un pic écervelé aux nuages fuyants au sourire éternel
Dans leurs cages les lacs au fond des trous la pluie
Le vent sa longue langue et les anneaux de la fraîcheur
La verdure et la chair des femmes au printemps
La plus belle est un baume elle incline au repos
Dans des jardins tout neufs amortis d’ombres tendres
Leur mère est une feuille
Luisante et nue comme un linge mouillé

Les plaines et les toits de neige et les tropiques luxueux
Les façons d’être du ciel changeant
Au fil des chevelures
Et toujours un seul couple uni par un seul vêtement
Par le même désir
Couché aux pieds de son reflet

Un couple illimité.
Paul Eluard »


Ce poème, titré À la fin de l’année, de jour en jour plus bas, il enfouit sa chaleur comme une graine, long de 66 vers et en deux parties, figure entre L’Entente et Facile et bien.

Livre d’art icône publié pour la première fois le 24 octobre 1935 par l’imprimeur-éditeur Guy Levis Mano, Facile est tiré en 24 exemplaires sur Japon Impérial. S’en suivront 200 exemplaires hors commerce sur vélin puis un tirage limité à 1250 exemplaires.
Né d’une collaboration artistique entre Man Ray, Paul Eluard et son épouse Nusch, l’ouvrage magnifie le corps de cette dernière par le verbe du poète et la lumière du photographe. Après son recueil Au défaut du silence, où Gala était omniprésente, Éluard compose ces quatre poèmes évoquant Nusch, auxquels font écho, par un subtil jeu de mise en page, douze photographies de Man Ray représentant Nusch entièrement nue. Son corps n’y apparaît jamais dans sa totalité selon un procédé propre à l’Homme-Lumière. L’ouvrage contribua au réveil de l’érotisme dans l’art des années 30.

À propos de Facile, Pierre Emmanuel écrit dans Le Je universel chez Paul Éluard (G.L.M, 1948) : « Identique à soi-même dans son intarissable création de soi, la femme est aussi comme le signe ou, mieux : la condition de l’identité de toutes choses. Il faudrait citer presque entièrement certains poèmes de Facile pour donner la juste idée de « l’entente » qui s’établit entre l’érotisme féminin et les énergies fécondantes de la terre – entre les gestes de la femme et les mouvements de l’humaine destinée… »

Les poèmes manuscrits de ce recueil, l’un des plus emblématiques du poète, sont rares.

Bibliographie :
Facile – Poèmes de Paul Éluard / Photographies de Man Ray – G.L.M, Paris, 1935
Paul Éluard – Œuvres complètes – Tome 1, éd. Marcelle Dumas et Lucien Scheler, Pléiade, p. 462 – 464

Provenance :
Collection Christian Genet