GENET, Jean (1910-1986)

Manuscrit autographe de premier jet
S.l.n.d [c. 1955], 3/4 p. in-4° à l’encre bleue

« Il y a dix ans, j’étais milicien chez les Boches. Entre temps, j’ai rôti du Viet au feu des paillottes »

EUR 4.000,-
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Fiche descriptive

GENET, Jean (1910-1986)

Manuscrit autographe de premier jet
S.l.n.d [c. 1955], 1/2 p. in-4° à l’encre bleue sur papier ligné
Quelques repentirs par l’auteur

Plaidoyer anticolonialiste ultraviolent et provocateur sur fond de guerre d’Algérie, semblant se rattacher à un dialogue primitif de la pièce Les Paravents

Provenant de la collection B. & R. Broca


« Me revoici,
Belles gonzesses de France, préparez vos miches !
J’ai Je rentre Je rentre d’Algérie, une patte en moins, trois doigts coupés, mais le reste en bon état.
Rappellez-vous [sic] de moi. Vous me reconnaîtrez : il y a dix ans, j’étais milicien chez les Boches. Entre temps, j’ai rôti du Viet au feu des paillottes. Les vaches, ils nous ont tous foutu dehors à coup de pompes dans l’ognon. Heureusement il y a eu l’Algérie ! Alors là, pardon, je me suis régalé avec la viande de Bic ! J’en ai crevé quelques-uns et c’en est devenu du vice. J’ai défoncé des moukères : J’en ai même défoncé travaillé une à coup de talons dans le bide bide. Elle avait deux mômes dans le ventre, deux sales petits Bicots qui ne ne couperont pas les couilles [les] jolies couilles de petit Français !
Je rentre, mesdames, je rentre, moi, votre petit milicien de 44.
Une patte en moins, je vous l’ai dit mais le reste en bon état. Alors, dites à vos hommes de se barrer là-bas, pour continuer le boulot et me laisser dans vos draps une petite place bien chaude, pour moi, votre petit milicien bien aimé et boiteux.
Vos mâles ? J’espère bien qu’on les arrangera comme moi ! »


Ce texte semble se rattacher à la pièce Les Paravents (représentée pour la première fois le 16 avril 1966 au théâtre de l’Odéon). Si le manuscrit complet de l’œuvre, tel qu’on le connaît, a été rédigé en 1961, on sait néanmoins que les premières ébauches furent composées dès 1955. Genet procéda à de profonds remaniements et cette séquence, monologue d’un colon, fut sans doute écartée.
Le texte, volontairement provocateur, incarne ici plus que jamais la transgression morale, intellectuelle et sexuelle de son auteur. Fortement engagé dans l’anticolonialisme, Genet exprima sa position non seulement au travers de son œuvre mais aussi par le combat politique. Il prend ainsi violemment position contre la France pendant la guerre d’Algérie et plaide plus généralement la cause des indépendances.

Nous remercions Albert Dichy de nous avoir confirmé le caractère inédit de ce document