JACOB, Max (1876-1944)

Lettre autographe signée « Max Jacob » à Raymond Trillat
[St Benoît-sur-Loire], 12 septembre [1942], 2 p. in-4°

« Ici visites quotidiennes à tel point qu’on a fait un rapport (délation) à la police… »

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Fiche descriptive

JACOB, Max (1876-1944)

Lettre autographe signée « Max Jacob » à son ami graphologue Raymond Trillat
[St Benoît-sur-Loire], 12 septembre [1942], 2 p. in-4°
Enveloppe autographe jointe

Longue lettre inédite du poète faisant allusion aux visites de la gendarmerie pour vérifier le port de l’étoile jaune à l’occasion du deuxième recensement des juifs dans le Loiret
Max Jacob termine sa lettre en citant six amusants vers holorimes


« Cher Raymond,
Refaire l’Histoire avec la graphologie et l’Astrologie – Y compris l’Histoire littéraire. S’adjoindre un type calé en histoire, un agrégé de bon poil – oui – voilà une œuvre si tu avais le temps. Procéder par morceaux : expliquer Jeanne d’Arc par le Capricorne puisqu’elle ne savait pas écrire. Je voudrais bien entendre ta conférence… Procéder à froid sans idée préconçue l’astrologie en servant les passions de l’astrologue est perdue. 
Ici visites quotidiennes à tel point qu’on a fait un rapport (délation) à la police. Mon protecteur parisien a du mal à me sortir de là. Je m’attends au pire – et j’attends le pire. Sans y croire à cause de ma confiance en mon protecteur et en Dieu. Aucune inquiétude profonde.
J’ai tant vendu de peinture que je suis obligé de m’y mettre pour faire du stock. Me revoici peintre.
C’est tout !

Je voudrais me marier, dit ma célèbre logeuse, de préférence avec un oto-rino.
Eh bien, lui dit son interlocutrice, il faut mettre une annonce dans Le Chasseur français !
A-t-elle pris oto rino pour le nom d’un gibier ?
Car rino-c’est-ros

Gal, amant de la reine, alla, tour magnanime,
Galamment de l’arène à la tour Magne à Nîmes [Marc Monnier (attribué à tort à Victor Hugo)]
***
Dans ses meubles laqués, rideaux et dais moroses
Danse, aime, bleu laquais, ris d’oser des mots roses [Charles Cros, Le Coffret de santal, 1873]
***
Par le bois du Djinn, où s’entasse de l’effroi,
Parle et Bois du gin ou cent tasses de lait froid. [Alphonse Allais]

Joyeuses Pâques
Il faut se spécialiser à tout prix, émonder, couper, concentrer

Max Jacob

Il doit s’être introduit dans mon graphisme quelque signe de folie (aliénation mentale) ou maladie de l’œil. 

Peut-être seulement insuffisance biliaire.

Embrassons nous »


Il est difficile de connaître l’identité du protecteur de Max Jacob. Ce dernier n’ayant jamais dévoilé de noms, plusieurs de ses amis peuvent toutefois être considérés comme des « protecteurs » au sens où ils donnent à Max Jacob des informations cruciales car étant à des places stratégiques. En l’espèce, Max Jacob a été accusé de « complot juif » car il recevait beaucoup de monde à l’été 1942, il s’en ouvre auprès de Conrad Moricand, alors secrétaire particulier de Georges Oltramare. Jusqu’à la démission de Moricand – à la moitié de l’année 1943 – il est de fait possible de considérer Moricand comme un « protecteur ».
Max Jacob est finalement arrêté le 24 février 1944 par trois membres de la Gestapo d’Orléans. Il meurt au camp de Drancy le 5 mars suivant.

Raymond Trillat est un graphologue de référence pour Max Jacob, qu’il consultait en plus de son graphologue attitré, Jean Tuset. Notons qu’à propos des analyses graphologiques de Trillat, le poète y voyait d’ailleurs un apport de l’astrologie « je ne crois pas que ce soit par les manuels que Trillat soit parvenu à une science où il me paraît novateur… Il y a plutôt là un don de la médiumnité, mais surtout de l’observation et de l’attention » (cf. Belaval, “La rencontre avec Max Jacob”, Vrin, p. 44)

On joint :
Un carton d’invitation avec écriture autographe de Jacob, très appliquée “Dîners de Vouillemont” : “Max Jacob parlera pendant le dîner du jeudi 8 juin 20h30…”.

Provenance :
Artcurial, 15 juin 2010, vente 1677, n°140

Nous remercions Madame Patricia Sustrac pour les éléments qu’elle nous a aimablement communiqués.