LACLOS (de), Pierre Choderlos (1741-1803)

Lettre autographe signée « P. Choderlos Laclos » à Condorcet
Paris, 16 juin 1793, 2e [an 2] de la République, 1 p 1/4 in-4°

« La longue habitude d’être calomnié »

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Fiche descriptive

LACLOS (de), Pierre Choderlos (1741-1803)

Lettre autographe signée « P. Choderlos Laclos » à Nicolas de Condorcet
Paris, 16 juin 1793, 2e [an 2] de la République, 1 p 1/4 in-4° sur bifeuillet vergé
Adresse autographe sur la quatrième page (de la main de Laclos) :
« Au Citoyen Condorcet, député à la Convention… »
Quelques petites taches, anciennes mouillures et rousseurs, bris de cachet (fragment de papier conservé)

En plein tumulte révolutionnaire, l’auteur des Liaisons dangereuses sollicite une entrevue auprès de Condorcet afin de faire démentir une calomnie le concernant


« Le citoyen Alquier, en me chargeant de vous remettre, Citoyen, la lettre que j’ai laissée chez vous aujourd’hui, m’avait fait espérer que vous voudriez bien me recevoir et m’entendre. Votre séjour habituel à Auteuil, où les circonstances m’empêchent d’aller vous chercher, me force de commettre une sorte d’indiscrétion, en réclamant de vous un rendez-vous dans votre maison de Paris, comme le seul moyen, de tenir la promesse que vous avez bien voulu faire au Citoyen Alquier. Je me reproche, jusqu’à un certain point, d’abuser ainsi de votre temps ; mais quelque mépris que m’ait donné pour les calomnies, en général, la longue habitude d’être calomnié, vous concevrez aisément que je cesse d’en juger ainsi quand on parvient à les faire répéter par des personnes telles que vous. Je vous prie instamment de me faire savoir le jour et l’heure où vous pensez me recevoir ; j’enverrai demain matin, chez vous, chercher la réponse que je vous demande en grâce d’y laisser.
P. Choderlos Laclos »


Nous joignons :

La lettre autographe signée de Charles Alquier à Condorcet (envoyée la veille), offrant son entremise pour établir un rendez-vous entre les deux intéressés
S.l, « Ce 15 » [juin 1793], 1 p. grand in-8°

« Je pars pour Versailles, mon cher collègue […] j’ai à mon tour un bon office à vous demander, et vous êtes vous-même intéressé à ne pas refuser, puisque je vous offre l’occasion de réparer une erreur, et que vous n’êtes pas destiné à en commettre. Je vous ai parlé de Mr de Laclos qui est mon ami depuis quinze ans, je ne lui ai pas caché que vous aviez quelques préventions contre lui, et comme je m’y attendois, il offre de les détruire : je vous prie donc de recevoir et d’entendre Mr de Laclos, et je vous remercie d’avance du bonheur que j’aurai à vous entendre dire du bien de mon ami lorsque vous l’aurez connu. Ce 15. Alquier »


Interné le 2 avril 1793 à la prison de l’Abbaye sur mandat d’arrêt du Comité de sûreté car soupçonné d’être orléaniste, Laclos obtient une relative remise en liberté (il subira sa captivité à son domicile) le 10 mai suivant. Cette libération intervient semble-t-il grâce à l’intervention d’Alquier, membre du Comité.
Les rapports entre Laclos et Condorcet, tous deux picards, dateraient de l’année 1785, mais surtout depuis 1789 et aux Jacobins. Leurs relations étaient restées toutefois purement formelles, comme le montre notre lettre. C’est à la suite de « calomnies » à son encontre, non précisées mais que Condorcet avait paru approuver, que Laclos, par l’intermédiaire de son ami Alquier, sollicite un rendez-vous auprès du mathématicien.
Ne disposant que d’une semi-liberté, Laclos ne pouvait se rendre à Auteuil. On peut penser que l’entrevue eut lieu entre les deux hommes – ce qui reste toutefois conjectural – et n’eut pas d’autre conséquence, car tous deux étaient suspects et menacés.

Les lettres autographes signées de Laclos sont d’une rareté proverbiale

Bibliographie :
Christianisme et lumières, n°34, Presses universitaires de France, 2002

Provenance :
Collection particulière