LE CORBUSIER, Charles-Edouard Jeanneret dit (1887-1965)

Lettre dactylographiée signée « Le Corbusier » à Charles Hary
Paris, 18 avril 1854, 2 p. in-4°

« J’ai ainsi conçu et réalisé le “POÈME de l’ANGLE DROIT”. Cinq années furent consacrées à ce travail dans lequel je désirais inclure un ordre de pensées… »

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Fiche descriptive

LE CORBUSIER, Charles-Edouard Jeanneret dit (1887-1965)

Lettre dactylographiée signée « Le Corbusier » à Charles Hary
Paris, 18 avril 1854, 2 p. in-4° à son en-tête du 35, rue de Sèvres – Paris (6e)
Petits trous d’agrafe en marge supérieure gauche sur les deux feuillets, infimes fentes aux plis

En plus de sa signature autographe, Le Corbusier a rajouté la date de sa main et a entouré quatre mots sur la deuxième page.

Importante lettre dans laquelle Le Corbusier cherche des souscripteurs pour son Poème de l’Angle droit


« Le Corbusier s’adresse à ses amis :

Cher Monsieur et Ami,
Cette lettre est une lettre circulaire adressée à un certain nombre de mes amis et connaissances. Je la signe toutefois de ma main pour vous assurer que j’ai pensé à vous réellement en tant que personne et en tant qu’ami des arts.

De quoi s’agit-il ?

Tériade, le créateur et Directeur des Éditions Verve à Paris, m’a demandé en 1947 de faire pour lui un livre dans la série des “grands livres manuscrits et illustrés par les artistes”, tels que “DIVERTISSEMENTS” de Rouault, “JAZZ” de Matisse, “LE CIRQUE” de Léger.

J’ai ainsi conçu et réalisé le “POÈME de l’ANGLE DROIT”. Cinq années furent consacrées à ce travail dans lequel je désirais inclure un ordre de pensées que les activités de la vie quotidienne ne permettent généralement pas d’extérioriser. Ces choses ne sont pas seulement au fond de mon caractère mais aussi au fond même de mon œuvre bâtie ou peinte.

Or la réalité veut qu’une édition de grand luxe comme celle-ci, réclamant pendant plus d’une année la participation d’un atelier artisanal de la valeur de celui de Mourlot, ne puisse voir le jour que par une qualité “hors-série”, par conséquent “rare” par le nombre des exemplaires mis au monde (250) aussi bien que par l’extrême exiguïté de la classe d’individus en état mental et matériel de s’intéresser à un tel ouvrage.

L’énorme travail de création du POÈME de l’ANGLE DROIT est fourni gratuitement par l’auteur, c’est à dire par moi. On ne peut pas payer la pensée exprimée sous cette forme exceptionnelle : livre grand format entièrement de la main de l’auteur. Il faut donc que vous sachiez que cet auteur n’entre pas dans le prix de revient de l’ouvrage ; sa collaboration est gratuite comme se doit d’être gratuite une joie de l’esprit. Car c’est une joie d’apprécier qu’en certains endroits de le [sic] production moderne l’argent a ses ponts nettement coupés avec l’Idée. Consolation de cette bête époque dont le “Time is money”.

Il faut encore que vous sachiez que si l’auteur a, de sa main, achevé son livre jusqu’en ses moindres détails, celui-ci toutefois ne peut être mis sous les presses de l’artisan que garanti par un certain nombre de souscriptions assurées d’avance.

Voilà donc la raison de cette lettre : je vous demande, cher Monsieur et Ami, de permettre à cette entreprise d’atteindre son but : franchir l’étape des machines à imprimer. L’éditeur attend de mon intervention un certain nombre de souscriptions récoltées dans le monde entier auprès de mes amis. Par vous, je m’adresse à vos propres amis [ces quatre mots sont entourés de la main de Le Corbusier] pendant que vous les convaincrez vous-même.

Le POÈME de l’ANGLE DROIT exige de moi cet ultime rôle d’apparence bien déplaisante : réclamer un service.

Merci d’avance,
et croyez, cher Monsieur et Ami, à mon fidèle attachement
Le Corbusier »


Architecte, Le Corbusier est aussi écrivain, dessinateur, peintre et poète. Il travaille près de huit ans au recueil qui parait l’année suivante en tirage limité (en 270 exemplaires) sur souscription chez Tériade. À cette époque, Le Corbusier s’oriente vers ce qu’il nomme « la synthèse des arts ». Dans cette lettre, il lance un appel à ses amis, et notamment Charles Hary, directeur des usines de peintures qui ont élaboré les couleurs voulues par l’architecte pour ses grandes unités de Marseille et Nantes.
Le Corbusier réalise la majorité des illustrations avant de commencer à écrire les poèmes, l’impression est confiée à Mourlot. L’ouvrage figure 20 lithographies originales en couleurs à pleine page, dont la couverture, et 70 compositions en noir en marge du texte.

Bibliographie :
Le Corbusier – Choix de lettres, éd. Jean Jenger, Birkhäuser, 2002, p. 376-377, n°206 (lettre à Marcel Levaillant)