MERMOZ, Jean (1901-1936)

Lettre autographe à ses grands-parents
Mazamet 31 mars [1935], 1 p. ¾ in-4

« Je n’aurais pas voulu qu’il puisse me précéder dans une aussi funeste voie. Qu’il m’y suivît plus tard, bien plus tard, c’eût été dans l’ordre… »

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Fiche descriptive

MERMOZ, Jean (1901-1936)

Lettre autographe à ses grands-parents
Mazamet 31 mars [1935], 1 p. ¾ in-4
Le bas de la 2e page a été coupé, probablement pour supprimer un passage trop intime

Poignante lettre sur la mort de son beau-frère, Édouard Chazottes, dans un accident d’avion
Une lettre à la résonnance d’autant plus tragique que Mermoz trouve à son tour la mort l’année suivante à bord d’un hydravion quadrimoteur au large des côtes du Sénégal


« Vous avez dû apprendre par le journal la triste nouvelle : l’accident mortel survenu à mon petit beau-frère Édouard à Istres. Alors qu’il descendait pour atterrir sans qu’il ait eu le temps de se rendre compte de ce qui lui arrivait, un autre avion est rentré dans son fuselage, l’a coupé en deux, les deux appareils se sont écrasés ! deux morts. Édouard n’avait fait aucune faute, l’autre a payé de sa vie une erreur qui fut lourde de fatalité… Vous dire le chagrin de Gilberte : c’est inutile…. Elle est très fortement touchée ; le mien est profond. Depuis trois mois qu’Édouard était à Istres, il avait bien changé ! L’aviation en avait fait un homme. Je le conseillais, le guidais : il remplaçait le frère familial que je n’ai pas eu… il était aussi mon petit frère spirituel en aviation… Je pensais en le voyant se transformer peu à peu qu’il me continuerait dans l’avenir. Il avait toutes les qualités pour cela : prudence, volonté, courage. Il naissait… mais il s’apprêtait à vivre l’existence dont je vis moi-même. Je n’aurais pas voulu qu’il puisse me précéder dans une aussi funeste voie. Qu’il m’y suivît plus tard, bien plus tard, c’eût été dans l’ordre… Lui ne souffre plus : il est heureux.
Demain était son anniversaire : il allait avoir vingt ans. Il est mort en plein rêve. Il en était à ses derniers vols d’école. Ils l’avaient fait affecter à Alger où il se faisait une joie d’aller : Il venait d’avoir son affectation, il était nommé caporal-chef. Il se faisait une fête d’aller au mariage de son cousin à Mazamet, où nous devions le retrouver ; le jour même où le mariage devait avoir lieu, c’est-à-dire hier, nous l’avons accompagné une dernière fois jusqu’au seuil de l’éternité.
Dieu régit nos destinées ; il faut savoir se résigner sans courber la tête et continuer toujours plus avant vers l’avenir.
Nous devions aller vous voir le jour de Pâques, le dimanche, j’ai pu prendre le train vendredi soir pour Istres. Nous étions depuis jeudi à Paris. Maman était au lit avec une bronchite et une menace de congestion pulmonaire… maintenant… »


Le 11 avril 1932, à Mazamet, Jean Mermoz est le témoin de mariage de Robert Henri Chazottes, dit « l’Américain », cousin germain de Gilberte, et Marthe Marie Rives. Son père, Numa Elie Chazottes, né le 4 février 1875 à Mazamet, négociant comme son frère Ernest en Argentine, s’est marié le 30 juillet 1906 à Ema Maynadié, avec qui il a eu 2 enfants nés à Buenos Aires, Robert Henri, le 21 mars 1908, et Yvonne Adèle le 11 février 1910. Jean Mermoz et Gilberte se séparent à l’été 1935, rupture accélérée par la mort du frère de celle-ci, Edouard, tout jeune pilote au destin brisé dans un accident d’avion…