POTOCKI, Jean (1761-1815)

Lettre autographe signée « Jean Potocki » à Firmin Didot
Tulczyn, 1er décembre [1810], 1 1/4 p. in-4°

« Je m’aperçois tous les jours qu’il est difficile de voir clair dans les sciences quand on est aussi loin du foyer des lumières »

EUR 26.000,-
Ajouter à la sélection
Fiche descriptive

POTOCKI, Jean (1761-1815)

Lettre autographe signée « Jean Potocki » à Firmin Didot
Tulczyn en Podolie [province Russe après le deuxième partage de la Pologne de 1793] 1er décembre [1810], 1 1/4 p. in-4°
Apostille autographe, de la main de Firmin Didot, en marge supérieure de la première page :
« Reçue le 11 avril 1811 / répondue le 16 avril, 1811 »
Quelques petites rousseurs

Admirable lettre dans laquelle Potocki fait parvenir ses derniers ouvrages à son imprimeur, tout en lui rappelant son souci d’exactitude en vue de leur publication


« Monsieur,
J’ai eu l’honneur de vous adresser de Petersbourg un exemplaire de mon Atlas Archéologique. Je vous en enverai un second fait avec plus de soin. Je seroi charmé que cet ouvrage fut connu en France.
Je vous envoye maintenant un exemplaire corrigé de mes principes de Chronologie. Je vous prie de le comuniquer à Messieurs de l’institut qui doivent avoir recu de moi quatre exemplaires que je n’avois pas eu le tems de corriger(1). Quant à la mise au jour de cet ecrit (qui est plustot un cahier qu’un volume), je l’ai confiée à Mr Gide(2) qui etant dans le commerce de la librairie peut etre connu de vous. Je lui ai beaucoup recommande d’employer quelque savant à cette édition, car vous jugez bien que de telles choses ne peuvent etre corrigées par un Prot. Si vous vouliez y donner quelques soins je vous en aurois une obligation extreme.
Je m’aper[ç]ois tout les jours qu’il est difficile de voir clair dans les sciences quand on est aussi loin du foyer des lumieres. Et ce foyer est là ou vous etes. Mais tout est compensé, car nous avons ici tout le tems de la meditation, qui est le veritable element des conceptions.
Ou en est on chez vous, pour l’inscription de Rosete. Je me propose d’envoyer à l’institut un travail sur la partie coptique(3).
Veuillez bien ne pas interrompre la correspondance que vous aves bien voulu commencer avec moi, et adresses vos lettres au Consul General.
Agreez les assurances de mon estime
Le Comte Jean Potocki
Ce 1. Decembre
A Tulczyn
dans le gouvernement de Podolie »


[1] Potocki avait adressé, le 17 août 1810, ses Principes de chronologie pour les temps antérieurs aux Olympiades à l’Institut de France : « J’ai l’honneur de vous adresser le résultat de mes recherches sur l’ancienne Chronologie […] Je me persuade, qu’à travers les fautes de la rédaction, votre indulgence démêlera facilement, les marques évidentes d’un travail obstiné » (lettre aujourd’hui conservée par l’Österreichische National Bib. A Vienne).
[2] Théophile Étienne Gide (1768-1837), imprimeur. En 1813 et 1814, il éditera des fragments de Manuscrit trouvé à Saragosse.
[3] La pierre de Rosette avait été découverte en 1799. Son travail sur la « partie coptique » n’a pas été retrouvé.

Personnage éclectique, dont le talent ne se limite pas aux qualités littéraires, les nombreux voyages de Potocki l’ont fait historien, archéologue, géopolitologue, ethnologue ou encore linguiste. Deux œuvres couronnent son génie : L’Atlas archéologique de la Russie européenne (1797-1805) et Manuscrit trouvé à Saragosse (plusieurs versions françaises entre 1797 et 1811, deux jeux partiels de placards hors commerce imprimés à St-Pétersbourg en 1804-1805, deux versions partielles publiées à Paris en 1813 et 1814).
L’Atlas, dont il est ici en partie question, s’apparente à ce que nous appelons de nos jours un atlas historique, soit l’évolution historique et géopolitique d’une zone géographique par des cartes. Son auteur envisage ce projet comme un but ultime

Jean Potocki : chronographe

La chronologie de l’Antiquité apparaît comme une suite logique de ses recherches d’historien de l’Antiquité et de ses lectures érudites. Pour s’y retrouver en effet, Jean Potocki a besoin de traiter la synchronie : ce sont ses « cartes cyclographiques », et la diachronie : ce seront ses « chronologies », qui vont constituer l’essentiel de ses recherches, une fois installé dans sa retraite studieuse et solitaire d’Uladowka. C’est à partir de 1803 qu’il entreprend un nouveau travail sur la chronologie des périodes antiques : Principes de chronologie pour les temps antérieurs aux Olympiades (six tomes publiés de 1813 à 1815) dont il est aussi question dans cette lettre


Nous joignons :

Une longue lettre autographe [minute] de Firmin Didot à Jean Potocki, qui croisa celle de ce dernier (supra), envoyée six semaines plus tôt
Paris, 30 janvier 1811 – 2 p. in-12°, d’une écriture très serrée

« Vos recherches sont très lumineuses et en général jettent un grand jour sur l’histoire »

« […] Vous m’avez fait l’honneur de m’adresser ainsi que le rouleau qui l’accompagnoit et qui renfermoit la 2eme edition de Votre Atlas historique […] Votre Atlas e[s]t intéressant la Carte m’en paroit bien faite, et quelque jours nous la ferons graver à la suite de plusieurs de vos ouvrages, tels que l’histoire ancienne de Podolie, celle de Wolhynie et en general de tout ce que vous avez ecrit sur l’ancienne histoire de la Russie, qui n’est pas assez connue ici. Vos recherches sont très lumineuses et en général jettent un grand jour sur l’histoire […] Didot émet ensuite de petites objections historiques sur les Principes de chronologie de son correspondant, témoignant ainsi de l’attachement dévoué que porte l’éditeur sur l’œuvre de l’écrivain.

Est-il nécessaire de rappeler l’insigne rareté des lettres autographes de Jean Potocki ?
Sur les 199 lettres que compte la correspondance, trois seulement se trouvent en mains privées, dont celle-ci.

Bibliographie :
Œuvres V, éd. F. Rosset & D. Triaire, Peeters, n°178

Provenance :
Collection particulière