VERLAINE, Paul (1844-1896)

Lettre autographe signée « P. Verlaine », enrichie d’un poème autographe signé, à Émile Bally
Paris, 31 janvier 1894, 3 p. in-12°

« Je vous envoie un petit poème que vous voudrez bien remettre à Mr London »

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Fiche descriptive

VERLAINE, Paul (1844-1896)

Lettre autographe signée « P. Verlaine », enrichie d’un poème autographe signé, à Émile Bally
Paris, 31 janvier 1894, 3 p. in-12
Fentes au plis

Récemment revenu de sa dernière tournée de conférences en Angleterre, Verlaine annonce sa rupture avec sa maîtresse Philomène Boudin, dite Esther, et joint le sonnet « Toast » à son courrier


« Cher Monsieur Bally,
Il y a longtemps que je me promets de vous écrire. J’en ai été empêché par toutes sortes d’ennuis dont… une séparation d’avec une personne de qui le caractère ne cadrait plus avec le mien
[Philomène Boudin] et une petite, mais très agaçante reprise de mon mal de jambe.
J’espère que nous saurons vous trouver en meilleure santé que moi.
Quand comptez-vous passer par Paris ? Il serait exquis pour l’époque à laquelle je dois aller « lecturer » :
Genève, Lausanne et Fribourg correspondît avec celle de votre « tour » dans votre pays.
En parlant de « tour », Mr
[Théodore] London vous a-t-il communiqué mon article du Figaro intitulé : Un tour à Londres ?
Je vous envoie un petit poème que vous voudrez bien remettre à Mr London avec tous
[mes] compliments à lui, à sa sœur et à son frère – et un sonnet que je vous prie d’agréer.
[…] Je vous serre la main.
P. Verlaine
187 rue St Jacques »

[Sur un feuillet séparé, Verlaine dédit son poème Toast à son correspondant]

« Toast.
à S. Em. Bally

Or vous m’aviez parlé français.
Je vous en aime d’autant mieux
Que vous êtes un Français vieux
Puisque Genevois, et je sais

Qu’en ces lieux où j’eus un succès
Immérité même es milieux
Où les paradoxes sont dieux
Mieux en français qu’en tels accès

Plus accessibles Racine
Qu’on ne le croit en tel endroit…
Et je vous pousse ce coup droit : 

« Prosit » à la langue divine
Que je parle et que nous parlons
« Prosit » à nous en des toasts longs ! 

30 Janvier 1894
Verlaine »


Eugénie Krantz, l’autre maîtresse de Verlaine, éclaire ce dernier sur les infidélités de Philomène Boudin durant l’année 1893. Il envisageait sérieusement de l’épouser. Leur rupture prendra effet en décembre 1893. Le poète s’installe alors avec Eugénie au 187, rue Saint-Jacques, dans une modeste chambre au cinquième étage.

Émile Bally, professeur genevois, sert d’interprète à Verlaine lors de sa tournée de conférences en Angleterre. Il fait partie du groupe d’artistes et de jeunes poètes qui a accueilli Verlaine, aux côtés, entre autres, de Théodore London, jeune pasteur.

Le poème « Toast » figure dans Poèmes divers. On note une variante avec le sonnet publié, au début du premier tercet : « Plus accessibles à Racine » devient « Inaccessibles à Racine »

Références :
Verlaine, Œuvres poétiques complètes, éd. Le Dantec, Pléiade, p. 1013
Paul Verlaine, Critique et conférencesŒuvres posthumes III, éd. A. Messein : Ma visite à Londres