[ZOLA] FLAUBERT, Gustave, (1821-1880)

Lettre autographe signée « Gus Flaubert » à Émile Zola
[Croisset, 25 juillet 1876], 3 p. in-8°

« J’ai reçu hier de notre jeune ami Maupassant une épître fort agréable, & pleine du détail de ses lubricités – canotières, avec une grosse femme »

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Fiche descriptive

[ZOLA] FLAUBERT, Gustave, (1821-1880)

Lettre autographe signée « Gus Flaubert » à Émile Zola
[Croisset, 25 juillet 1876], 3 p. in-8°

Très belle lettre à Émile Zola au sujet, entre autres, de l’Histoire d’un cœur simple, L’Assommoir, et de leurs amis en commun


« Je suis content de vous savoir au bord de la mer, et vous reposant. Ne faites absolument rien ! reposez-vous Le travail n’en ira que mieux quand vous le reprendrez.
Franchement, vous aviez besoin de repos répit. et à la fin de la f de l’hiver, nous commencions à nous inquiéter de vous.
Votre ami, présentement, pioche comme un bœuf. Jamais je ne me suis senti plus d’aplomb. Mais « l’Histoire d’un cœur simple » ne sera pas finie avant trois semaines. – Après quoi, je préparerai immédiatement mon Hérodiade (ou Hérodias)(1). & j’ignore tout ce qui se passe dans le monde ne vois personne, ne lis aucun journal, – excepté « La République des Lettres » dont le numéro du 16 m’a exaspéré, à cause de l’article sur Renan. Le connaissez-vous ? Comme j’aime mes amis je ne veux rien avoir de commun avec ceux qui les dénigrent aussi bêtement. Donc j’ai écrit à l’excellent Catulle(2), pr le prier 1° de rayer mon nom de la liste de ses collaborateurs & 2° de ne plus m’envoyer sa feuille. – Qu’on ne soit pas de l’opinion de Renan, très bien ! Moi aussi, je ne suis pas de son opinion ! Mais ne tenir aucun compte de tous ses travaux, lui reprocher les cheveux rouges qu’il n’a pas, & sa famille pauvre en l’appelant domestique des princes, [illis.] voilà je ce que je n’admets pas ! – Ma résolution est bien prise, je ne veux plus rien avoir de commun avec j’abandonne avec joie & définitivement ces petits messieurs-là. Leur basse envie démocratique me soulève le cœur de dégoût. – & ils ont des Doctrines philosophiques & Politiques ! C’est un grand mot pourtant « La République des Lettres » ! & qui pourrait être une belle chose. – Mais qu’ils en sont loin !
N’en parlons plus, hein ?
Je me souviens de Piriac(3). – C’est en face l’île Dumez [Dumet], une île toute pleine d’oiseaux – & de Guérande aussi – il doit y avoir dans l’église des bas-reliefs assez curieux représentant de bons Diables, à fourche et à ailes ? Mes souvenirs remontant à 1846, sont vagues(4).
Vous remercierez pr moi Charpentier de m’avoir envoyé ce livre anglais dont j’ai besoin.
Combien de temps encore restez-vous en Armorique ? Moi, je ne bougerai d’ici que pr aller à la Ière de Daudet. & probablement je ne rentrerai à Paris que fort tard, afin d’aller plus vite dans ma petite drôlerie juive.
Tourgueneff m’a écrit les mêmes choses qu’à vous. Je l’attends vers la fin du mois prochain. – J’ai reçu hier de notre jeune ami Maupassant une épître fort agréable, & pleine du détail de ses lubricités – canotières, avec une grosse femme(5).
Voilà, je crois, toutes les nouvelles.
Empifrez-vous de coquillages ! Ça rend gai. Amitiés & respects à « toute la Société ».
& à vous, mon vieux solide
une très forte poignée de main
de votre
Gve Flaubert
Nuit du 25 juillet.
___

J‘ai eu la Vertu de ne pas lire L’Assommoir dans La R. des Lettres, n’en connaissant point le commencement.
Quand votre roman y sera fini, j’imagine qu’il y aura descente du côté financier(6). »


1- La forme « Hérodiade », la plus commune, est héritée de la Bible, et se rencontre notamment chez l’historien Flavius Jusèphe et dans la Vie de Jésus de Renan. Flaubert a pu trouver la variante « Hérodias » dans l’ouvrage de J. Derenbourg, Essai sur l’histoire et la géographie de la Palestine.

2- Catulle Mendès dirige la République des lettres, qui paraît du 20 décembre 1975 au mois de juin 1877.

3- Zola séjournait à Piriac, en Bretagne, du 17 juillet au 6 septembre, en compagnie de l’éditeur Charpentier.

4- Flaubert se trouvait à Piriac le 20 mai 1847

5- « L’épitre » en question de Maupassant, non retrouvée, est arrivée l’avant-veille, le 22 juillet, ainsi que Flaubert le dit à sa nièce ce jour là.

6- La République des lettres avait repris la publication de L’Assomoir dans son numéro du 9 juillet. Les six premiers chapitres avaient paru dans Le Bien public, du 13 avril au 7 juin.

Référence :
Gustave Flaubert – Correspondance, éd. Jean Bruneau et Yvan Leclerc, Pléiade, t. V, p. 80-81

Provenance :
Collection Émile Zola
Puis famille Zola par descendance