BEAUMARCHAIS (de), Pierre-Augustin Caron (1732-1799)

Lettre autographe signée « Beaumarchais » à Pierre-Charles-Louis Baudin
S.l, « ce 15 floréal » [4 mai 1797], 1 p. petit in-8°

« Et moi, homme inutile ! Je vous prie d’accepter les rèveries de mon bonnet »

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Fiche descriptive

BEAUMARCHAIS (de), Pierre-Augustin Caron (1732-1799)

Lettre autographe signée « Beaumarchais » au Citoyen Pierre-Charles-Louis Baudin
S.l, « ce 15 floréal » [4 mai 1797], 1 p. petit in-8°
Apostille « Rép[ondu] le 18 [floréal] » de la main de Pierre-Charles-Louis Baudin
Un mot : « Monsieur », caviardé par Beaumarchais

En citant Voltaire, Beaumarchais fait parvenir à son correspondant La Mère coupable, troisième partie de sa Trilogie de Figaro


« Vous Souvient il, Monsieur, de ces quatre vers de Voltaire à un Evèque ?

Vous m’envoyés un mandement.
Recevés une tragédie.
Et qu’ainsi, mutuellement,
Nous nous donnions la comédie !

Souffrés que je vous dise : Vous m’envoyés des choses aussi bien faites qu’importantes à la République ; Et moi, homme inutile ! Je vous prie d’accepter les rèveries de mon bonnet.
Je n’entends point m’acquiter auvers vous ; mais seulement vous engager a vous contenter, de ma part, de ce léger tribut d’une vive reconnaissance.
Beaumarchais
ce 15 floréal »

[« Rep. Le 18 »]


Cette lettre s’inscrit dans une séquence d’échanges épistolaires entre Beaumarchais et Pierre-Charles-Louis Baudin. On connait la réponse de Baudin du « 18 floréal », comme indiqué par lui en marge inférieure : « Mes avortons politiques ne peuvent devenir l’equivalent de votre œuvre dramatique. En le lisant avec avidité, j’ai parfaitement senti combien le flacon de Susanne étoit nécessaire. Votre Irlandais me suffoque […] cependant observés que d’une part le fanatisme politique comme le fanatisme religieux explique beaucoup de faits qui semblent excéder la mesure connue de la méchanceté humaine ; que d’une autre part ce que nous avons vû de plus atroce, de plus révoltant, et surtout de plus dégoutant, avoit un caractére de franchise brutale, au lieu qu’il s’agit dans votre Tartuffe d’un raffinement de noirceur hipocrite, si ménagé, filé avec tant d’art […] ». (Beaumarchais et le Courrier de l’Europe. Ed. Gunnar & Mavis von Proschwitz. Studies on Voltaire and the Eighteenth Century. Oxford : The Voltaire Foundation, 1990 ; p. 1173-1174, n°628).

Quand Baudin évoque ainsi les personnages « Irlandais » [Bégearss], « Suzanne » [l’épouse de Figaro] puis plus largement l’éloge qu’il fait du drame théâtral de son correspondant, on comprend que le texte envoyé par Beaumarchais est la troisième partie de sa trilogie espagnole : L’Autre Tartuffe ou la Mère coupable.
La pièce, jouée le 26 juin 1792 au théâtre du Marais, est un échec. La reprise, au Théâtre de la rue Feydeau, le 16 Floréal de l’an V (5 mai 1797), c’est-à-dire au lendemain de cette lettre, est cette fois couronnée d’un grand succès. La pièce représente la troisième partie de la trilogie de Figaro, après Le Barbier de Séville (1775) et Le Mariage de Figaro (1778). Beaumarchais en fait lui-même une notice pour commenter ce troisième et ultime acte : « après avoir bien ri au Barbier de Séville de la turbulente jeunesse du comte Almaviva, après avoir gaiement considéré dans la Folle Journée [Le Mariage de Figaro] les fautes de son âge viril, venez vous convaincre, par le tableau de sa vieillesse, que tout homme qui n’est pas né, un épouvantable méchant finit toujours par être bon. »

Si aucune lettre entre Voltaire est Beaumarchais ne nous est aujourd’hui parvenue, on connaît cependant l’estime qui les unissait. Dans son ouvrage, L’édition Kehl de Voltaire. Une aventure éditoriale et littéraire au tournant des Lumières, Linda Gil explique que « Leur relation se construit sur une admiration réciproque. Beaumarchais lit Voltaire et admire ses œuvres. Sa propre écriture est souvent influencée par le style du philosophe. » Quant à Voltaire, « il cite Beaumarchais en exemple à D’Alembert, il se compare à lui. Une bonne partie de sa correspondance des premiers mois de 1774 en est occupée ».

Provenance :
Vente Cornuau, 25-26 mai 1934
Collection A. Guichard

Bibliographie :
« Chroniques », Revue d’histoire littéraire de la France, 42e année, n°1 (1935), p. 148 (transcription partielle) – Linda Gil, L’édition Kehl de Voltaire. Une aventure éditoriale et littéraire au tournant des Lumières, Honoré Champion, Paris, 2018, t. 1, p. 573-576 – Inventaire numérique de la correspondance de Beaumarchais, Linda Gil (dir.), Humanum/IRCL, IDC24