SAND, George (1804-1876)
Autograph letter signed « George Sand » to Cora Chamberlaine
Nohant, 5th May [18]70, 6 pp. in-8°
« I think I said in the Story of my life that perhaps one should speak of oneself once in one’s life, in order not to think about it again and not to return to it »
Fact sheet
SAND, George (1804-1876)
Autograph letter signed « George Sand » to Cora Chamberlaine
Nohant, 5th May [18]70, 6 pp. in-8°
Collector’s stamp on first page’s top margin
Previously repaired with tape on folds (see scans)
A long and superb letter in which the writer, evoking her autobiography Story of My Life, opens up bluntly about her relationship with the world
« Time is almost always lacking to understand each other, and life is spent in guessing each other… »
« Je ne sais pas si vous êtes arrivée à Paris, bonne et charmante femme. Vous deviez vous arrêter à Tours, je vous écris donc, non à l’hôtel St James, mais sous le couvert de Mrs Bowles.
J’ai envie de commencer par vous gronder de m’avoir envoyé de si belles choses, qui devaient être pour vous de précieux souvenirs de voyage, et dont vous vous êtes séparée avec un héroïsme trop généreux. Je ne puis les refuser, vous me gronderez aussi. J’ai mis la bague à mon quatrième doigt, elle ne me gêne pas du tout et je ne la quitte pas. Elle est très belle et curieuse. La sarre [sic pour saree] est une merveille de broderie et ce sera très agréable à porter l’été. Ma fille vous remercie beaucoup du bel ambre qui a gardé le feu du soleil d’Italie, et mon fils, à qui j’ai donné la miniature indienne, l’a prise et l’admire infiniment. Le lirai les livres quand ma tête reviendra. Vous m’avez trouvée dans une phâse d’idiotisme complet pour avoir passé beaucoup de nuits (28) auprès de Maurice, et cela ajoûté à une timidité presque maladive, a dû me faire paraître bien froide et bien gauche. Croyez que je suis pourtant vivement touchée de la vraie sympathie que vous m’avez apportée, et que j’ai partagé cette affection à première vue, sans vouloir en douter ni m’en défendre en aucune façon. Mais il m’est impossible de parler de moi. Je suis la personne que je connais le moins et dont je m’occupe le moins. Je crois avoir dit dans l’histoire de ma vie qu’il faut peut-être parler de soit une fois en sa vie, pour n’y plus penser et n’y plus revenir [Premier chapitre d’Histoire de ma vie : « Je sentais qu’il ne faut parler de soi au public qu’une fois en sa vie, et très sérieusement,et n’y plus revenir »] . Ceux qui ont pris la peine de lire ces souvenirs me connaissent, car je n’ai rien dit que de vrai et je n’ai pas changé. Je ne sais pas me communiquer par la parole à moins d’une longue habitude d’intimité. Aussi je vis renfermée dans la famille et n’en sors que contrainte absolument. Je ne reçois jamais personne, sauf de bien rares exceptions, et je suis cruellement impolie pour les curieux qui m’assiègent à Nohant et à Paris. J’ai donc eu, en lisant la première lettre que vous m’avez fait remettre, la divination d’une amitié sincère qui venait à moi, et non d’une curiosité oiseuse comme mille autres, et je m’en applaudis, car je vous sens admirablement bonne et intelligente. Votre mari me plaît aussi extrêmement. Il a un air de douceur et de distinction qui le font aimer, et mon fils qui est presque aussi sauvage que moi, a trouvé qu’il était charmant. Quant à la chère Lina, elle partage ma confiance en vous deux. – Je ne sais où vous avez vu que j’avais des préventions contre l’Amérique et les Américains. Je préfère la France à tout, je ne puis faire autrement, et j’en pense pourtant beaucoup de mal. Je pense aussi du mal de l’Amérique et je l’admire quand même. Ce ne sont pas là des préventions, mais des jugements que je crois fondés, et sur lesquels je suis certaine que nous serions d’accord, et pour les faites de votre pays et pour celles du mien, si, en causant, nous procédions avec ordre dans nos réflexions.
Mais le tems manque presque toujours pour s’entendre et la vie se passe à se deviner. Devinez-moi, je vous prie, très sincère dans le désir d’être équitable, de souffrir de tout ce qui est le mal et d’apprécier sans réserve tout ce qui est le bien.
Ma belle-fille ira à Paris dans quelques jours pour des affaires de succession [Lina partira le 20 mai pour Paris, afin de régler avec sa mère la succession de Calamatta] . Je garderai la maison, le convalescent et les enfans. Elle compte s’informer de vous, et si vous pouvez vous rencontrer, elle sera très contente de vous serrer la main. Moi, je ne serai pas encore quand j’irai. Je souhaite bien que vous y soyez. Vous me tiendrez au courant par un mot, si vous le voulez bien.
Adieu, merci, et au revoir pour moi et les miens.
Nohant, 5 mai 70, George Sand
Ne gardez pas ce camélia qui devient affreux en se séchant. Je vous enverrai des plantes que je préparerai pour vous et qui se garderont sans trop enlaidir. »
The Chamberlaine couple visited the writer and her family on May 2 and 3, 1870. Sand refers to it in her diary on May 2: “Visit of an American couple from Boston, Mr. and Mrs. Chamberlaine. They are very good and friendly. I receive them as best I can. On May 3, she noted: “Visit of the Chamberlaines, who are leaving for Paris. They are very nice, especially the husband. The woman is a little talkative, but I think very good and quite intelligent. (Agenda IV, p. 267).
This letter comes in response to a very long missive from Cora Chamberlaine addressed to George Sand, on the very evening of her departure from Nohant, and now kept at the BHVP (f. G-3646). It would take too long to transcribe the entirety of it. We produce here a few passages:
“I am still too moved by the memory of any kindness for strangers like us, for you to expect a very coherent letter from me […] The miniature we found in Bombay. It is painted in Delhi and it is claimed that we can no longer have it. The piece of amber is from the Simeto River in Sicily […] I naively show you the great desire I have to make something, anything, go from me to you. The camellia and orange blossom arrived very fresh, hanging at the top of the coupé, in my husband’s hat […] I don’t know how it came about, but it seems to me that you deigned to love us a little, and here I am already daring to write to you in a friendly way. Perhaps you have thought of ‘Amore, Ch’a nullo amato amar perdona’ [The Divine Comedy, Dante, v. 103, canto V]. These are many words and I have said nothing. I love you, with all my heart […] We know something of your lineage from what you have told us about it in the Story of My Life […] »
Provenance:
Dr. Max Thorek collection (stamp on first page),
Parke-Bernet auction, New York, 15-16 November 1960, n°541
Charles Hamilton auction, New York, 31st May 1966, n°240
Morssen catalogue, winter 1966-1967, pièce n°268
MLM collection
Private collection
Bibliography:
Correspondance générale, t. XXII, éd. Georges Lubin, Garnier, n°15011 (partially transcribed)
Nouvelles lettres retrouvées, ed. Thierry Bodin, Le Passeur, n°316