CLAUDEL, Paul (1868-1955)

3 Autograph letters signed “P. Claudel” [to Emile Fabre]
S.l, 1934, 7 pages in-8

“One regret, which I am not the only one to express…. the exhibition of the two corpses in the last scene!”

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CLAUDEL, Paul (1868-1955)

3 Autograph letters signed “P. Claudel” [to Emile Fabre]
S.l, 1934, 7 pages in-8

Interesting correspondence of three letters of Claudel expressing his opinions for the staging of his play L’Otage represented at the Comédie Française in 1934


August 1934

“Cher Monsieur
J’ai bien reçu votre lettre et je suis heureux d’être en contact avec vous. Si je n’ai pu m’y mettre plutôt [sic], c’est que j’ignorais votre adresse exacte. M. Bourny [régisseur général de la Comédie Française] que j’ai vu à Paris a dû vous transmettre sans doute les diverses idées de mise en scène que je me suis permis de lui suggérer.
Je réponds aux différents points touchés par vous.
1/ Pour l’acte 3 M. Bourny avait eu l’idée que je crois bonne de faire parler Turelure au peuple du haut d’un balcon, ce qui permettrait de le voir de dos. Dans ce cas une porte fenêtre serait [a]ménagée dans la paroi droit[e] du salon.
(Il n’y a pas à tenir spécialement compte des indications éminemment modifiables de la brochure)

[Claudel procède à un croquis à main levée pour la représentation de la scène et y émettre ses suggestions]

2/ Je ne vois pas la nécessité de faire établie des décors par un artiste c[ô]té. Si même vous aviez en magasin les éléments d’un beau salon Empire pour le 3e acte, cela serait suffisant. Le décor pour moi n’a aucun autre rôle que de fournir des commodités pour l’action.
Ce qui est très important, c’est le crucifix qui pour moi est un personnage du drame et même le plus important.

3/ Je préfère donner à Turelure le rôle essentiel jusqu’à la fin. C’est lui, le persécuteur et le tentateur, mais aussi l’ancien serviteur, représentant d’une longue lignée de serviteurs, qui est chargé d’exprimer Sygne, de faire sortir d’elle tout ce qu’elle peut donner.
D’ailleurs dramatiquement il y a un interlude, tout est prêt, les ordres ont été envoyés de toutes parts, il n’y a plus qu’à en attacher la réalisation. Turelure est dans son G.Q.G et ne doit plus en bouger. Le chapeau a été amené. Il n’y a plus qu’à se préparer à accueillir le nouvel ordre de choses par-dessus le corps des représentants de l’ancien.
Je rentrerai à Bruxelles le 10 septembre. A partir de ce moment je serai entièrement à votre disposition pour causer avec vous et vous fournir tous les éclaircissements désirables.
Croyez, je vous prie, cher monsieur Fabre, à mes sentiments les plus amicalement dévoués.
Paul Claudel”

September 1934

“Cher Monsieur
J’ai longuement réfléchi aux observations sur la mise en scène de l’Otage dont vous m’avez récemment entretenu et entre autres de vos objections à l’idée du crucifix reflété dans une glace. Elles sont de deux natures et je suis loin d’en méconnaître la gravité.
1° Pourquoi cette grande glace dans la bibliothèque d’une maison conventuelle ?
2° Le public ne comprendra pas cette idée d’un crucifix invisible que ne se manifeste à ses yeux que par reflet.
Je vous ai expliqué les raisons de ma proposition. La scène essentielle du drame, c’est celle de la renonciation de Sygne à elle-même et l’occupation au pied du crucifix du sacrifice qui s’impose à la fois à son amour de l’église et à son goût pour le surhumain.
Or depuis 20 ans que je vois jouer la scène, j’ai toujours constaté qu’elle était gravement contrariée par les dispositions adoptées. Il faut que Sygne soit à la fois du côté de son confesseur et au pied du Christ. Si le Christ est placé au fond du théâtre comme la logique semble l’exiger, il en résulte trois inconvénients :
1° Sygne est placé de dessous de profil par rapport au public ;
2° Elle est au fond de la scène, tandis qu’il est essentiel qu’elle soit aussi près du public que possible […]
3° Badilon reste tout seul sur son fauteuil, de sorte que la scène est jouée par deux protagonistes qui se tournent le dos ! Si au contraire il s’approche de Sygne et se tient debout à côté d’elle, il perd son attitude d’autorité et ne devient plus qu’un témoin embarrassé. D’autre part voilà les deux acteurs au fond de la scène, derrière les meubles peut-être etc. Et l’émotion s’en ressent. Car tout ce qui est important doit être joué face au public, au centre du théâtre et aussi près du public que possible.
Avec ma combinaison,- un peu étrange et anormale, je le reconnais,- ces inconvénients disparaissent. S[ygne] reste au pied du Christ et tout près de Badilon. Voyons donc maintenant les objections :
1° Le vieux monastère a des siècles de vicissitudes. Le salon de l’abbé avec des traces du Moyen-Age a été remis au goût du XVIIIe siècle. Je crois qu’il ne serait pas difficile de trouver dans les abbayes ainsi remaniées un panneau ou au-dessous d’une cheminée une grande glace occupe la place d’honneur. D’autre part j’ai voulu donner l’impression d’une pièce sur laquelle la révolution a passé et ou une femme bivouaque en y transportant les restes de son patrimoine. On peut imaginer que c’est elle qui a mis là cette glace dans un panneau resté vacant […]
Cela accentue cette impression d’un certain désordre q[ue] j’ai voulu donner.
2° Le public sera longuement préparé à l’idée que le crucifix invisible se trouve sur la paroi amputée. Tout le premier acte y servira. Attestation de Sygne, salut du pape, défi de Georges etc et enfin au second acte le mot de Turelure qui se campe devant le crucifix, les mains derrière le dos et déclare :
Il n’y a qu’un crucifix qui n’est pas beau.
En tout cas tant cela me parait secondaire à côté des considérations essentielles que je viens de vous exposer et dont votre grande expérience du théâtre vous permet mieux qu’à moi-même encore de réaliser toute l’importance.
[…] Croyez, je vous prie, à mes sentiments les plus amicalement dévoués.
P. Claudel
Il me semble qu’il y a quelque chose d’assez dramatique dans le fait que les acteurs sont en quelque sorte enveloppés par le Christ. Il est à la fois devant eux et sans qu’ils le sachent, derrière”

November 1934

“Cher Monsieur
Je tiens à vous dire de nouveau combien je vous suis reconnaissant de la superbe interprétation que par vos soins la Comédie Française à donnée de l’Otage. Je ne pouvais souhaiter une réalisation plus sensible et plus intelligente et une mise en scène plus ingénieuse.
Un seul regret, que je ne suis pas le seul à exprimer…. l’exposition des deux cadavres dans la dernière scène ! Quel dommage qu’on ne puisse la reprendre !
Monsieur du Lacotti est venu mercredi pour exprimer le désir que l’Otage fasse la matière des quatre représentations que la Comédie Française doit donner en Belgique entre le 17 et le 20 décembre. Je me permets de vous recommander amicalement sa requête.
Rappelez-moi, je vous prie, au souvenir des excellents artistes qui ont combattu si vaillamment pour le succès d’une pièce difficile. Je les considère tous comme des amis et des camarades […]
P. Claudel”


L’Otage is a three-act play by Paul Claudel, published in 1911, the first play in La Trilogie des Coûfontaine.
The play became French Comedy in 1934 in a staging by Émile Fabre, with Marie Ventura as Sygne, Jean Hervé playing Georges de Coûfontaine, André Bacqué the priest Badilon and Fernand Ledoux as Turelure.