GENET, Jean (1910-1986)

Autograph manuscript (first draft)
N.p.n.d [1971], 4 p. 1/2 in-4°

« The target remained the same: a Negro who thinks »

EUR 4.000,-
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Fact sheet

GENET, Jean (1910-1986)

Autograph manuscript (first draft)
N.p.n.d [1971], 4 p. 1/2 in-4°
Numerous corrections from the author

A complete and first-draft manuscript written in reaction to the murder of George Jackson

A remarkable plea with revolutionary overtones, taking a firm stand in support of the African-American community


« Hier, c’est-à-dire quand la vie de George Jackson paraissait encore possible, j’ai parlé de son livre comme meurtre et je ne me doutais pas que le meurtrier serait descendu par la police américaine. Cet assassinat de Jackson par la police américaine, quel que soit le niveau d’autorité qui l’a décidé, c’est un coup monté : il a pu partir des salons de Reagan ou d’un bureau de simples gardiens, la cible restait la même : un Nègre qui pense, qui écrit ce qu’il pense, dont le livre est l’annonce et la préparation d’une révolution noire.
[…] Les Blancs peuvent rire de sa naïveté, Jackson était en effet naïf, c’est-à-dire neuf, c’est-à-dire nouveau, c’est-à-dire dangereux. Maladroits, les blancs l’ont tué. Ils ne l’ont pas grandi, par sa mort ils lui ont enfin donné ses proportions exactes, pourtant incalculables, trop vastes. […] Il n’y a jamais eu, il n’y a pas, il n’y aura jamais de victimes. Si Jackson est responsable de sa démarche révolutionnaire, de son livre et de sa mort, les policiers américains sont responsables, de la même façon, de l’assassinat de Jackson. Les Noirs américains sont responsables et non victimes quand ils acceptent de faire la guerre au Viêt-Nam, à Saint-Domingue, en Bolivie, pour ce que les Américains blancs appellent la grandeur de l’Amérique. Ils sont responsables quand ils acceptent même la plus petite parcelle des bénéfices de l’impérialisme qui s’enrichit des dépouilles des peuples dévastés. L’Europe fait partie aussi de ce vampirisme. Il n’y a qu’un moyen de prouver sa liberté pour une liberté toujours plus grande, c’est d’entrer dans la révolution […] comme tout homme et toute femme qui refusent d’asservir et d’être asservi. […]
Jonathan et George Jackson, Angela Davis, les Panthères noires, les mouvements révolutionnaires noirs ou blancs, ont porté au plus haut degré ou la trahison ou le combat démasqué, donc la conscience d’être responsable.
[…]
Qu’est-ce que la prison ? C’est l’immobilité. « Homme libre, toujours tu chériras la mer ! » (Baudelaire.) […] Même s’il m’est difficile ici de dire comment le monde sera changé, croyez bien qu’on y travaille. Nous ne négligerons rien. Cela nous gêne peut-être de dominer de moins en moins les Noirs, mais c’est qu’ils ne l’acceptent plus. Ils comptent sur leur propre force, non pour nous dominer mais pour nous regarder droit dans les yeux. Ils changent aussi le langage qui n’obéira plus à la définition des maîtres. […]
Qu’était le corps de Jackson dans cette cellule. Ni plus ni moins qu’un autre dans cet espace […]
Il faut porter notre attention sur David Hilliard (huit ans de prison), sur Angela Davis, accusée de complot et de tentative de meurtre, et de tous les Noirs emprisonnés – dans la prison ou dans le ghetto – qui risquent, à tout moment, d’être assassinés comme George et Jonathan Jackson, ou gâchés par le monde blanc. En fait, il faut apprendre à trahir les Blancs que nous sommes. »


George Jackson died in San Quentin prison on August 21, 1971. According to the official police account, he was shot while allegedly threatening a guard with a revolver during an escape attempt, having taken advantage of a riot to flee the prison yard — despite it being under heavy surveillance. However, the official version of events does not align with the findings of an independent investigation conducted afterward. To this day, the circumstances surrounding his death remain shrouded in mystery. Jackson’s trial was scheduled to take place just two days later — a trial he had actively prepared for. In the end, he and his two comrades were acquitted of a crime committed nearly two years earlier, on January 13, 1970.
This text is an essential complement to Genet’s other writings on Jackson, following in the wake of an article published shortly before. It was elaborated as part of a collective work in homage to the “Soledad Brothers” and, more broadly, to all Black political prisoners.

Genet’s political commitment reached its full force beginning in 1970. On February 25, a representative of the Black Panther Party requested his support. Genet declined to sign petitions but offered instead to carry out advocacy campaigns on the ground, in the United States, for the Black Panthers. For two months, he shared their daily life, tirelessly crisscrossing the country with them, giving countless lectures at universities and speaking to the press.

An admirable manuscript in which Genet’s outrage bursts forth in solidarity with the African-American cause.

 

Bibliography:
Jean Genet, L’Ennemi déclaré (textes et entretiens), Gallimard, 1991, p. 105-108