GIDE, André (1869-1951)

Autograph letter signed “André Gide” to Joseph Billiet
Cuverville, 15th MArch 1919, 2 p. 1/2 in-4

“It is about finding happiness beyond, beyond distress”

EUR 950,-
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GIDE, André (1869-1951)

Autograph letter signed “André Gide” to Joseph Billiet
Cuverville, 15th MArch 1919, 2 p. 1/2 in-4
Usual fold marks, tiny tear on lower margin

Long and touching letter by Gide about his novel Les Nouvelles Nourritures


“Mon cher Billiet,
Votre lettre m’émeut beaucoup, et si j’étais encore à Paris j’accourrai ; mais je ne vis plus hors d’ici qu’une existence tourbillonnaire où grandit, avec la fatigue, une immense nostalgie de travail. Peut-être y a-t-il quelque cruauté à vous dire cela, à vous, dont la fatigue et la nostalgie n’ont encore trouvé que des satisfactions si précieuses… Je voudrais que vous ne vous mépreniez pas aux pages de moi que vous aurez lues dans le 1er IV° de [La Revue] Littérature et à qui votre lettre fait illusion. Sans doute était-il paradoxal de pousser un cri de joie alors que nous sommes encore si mal ressuyés de la guerre et que, de toutes parts, il ne nous est permis de voir que deuils, détresses et faillites ; ce qui est surtout paradoxal, c’est de les avoir isolées ainsi, de sorte que séparées de celles qui les suivent, ces pages prennent une toute autre signification que celle qu’elles retrouveront dans le livre – où la détresse humaine et l’impossibilité de parvenir à ce bonheur, qui pourtant devrait être naturel, les doublera. Il s’agit de retrouver le bonheur par-delà, au-delà de la détresse – et le dernier livre de ces Nouvelles Nourritures y tendra, comme il peut apparaître déjà dans le dernier fragment que j’ai cité.
Pourquoi je vous raconte tout cela ? Oh ! simplement parce qu’il me serait douloureux de penser que vous puissiez croire, comme d’autres lecteurs auront fait, à quelque “impiété” de ma part – je veux dire : qui que ce soit d’impitoyable.
Je suis tout à la fois rassuré de vous savoir hors de gêne, et pourtant inquiet de songer que c’est aux dépends de votre liberté. Je souhaite qu’au bout d’un peu de temps et de tassement vous arriviez pourtant, comme Philippe et tant d’autres…
Oh ! Je vous en prie, ne vous ennuyez pas trop vite d’une restitution qui peut-être est, pour vous, un peu prématurée et qui ne me causera que tristesse, si je peux un instant penser que je la dois à quelques privations de vous, de votre femme, ou de votre petit enfant… Je pense revenir à Paris dans quelques jours, et peut-être pour un peu plus de temps. Tâcherai de passer vous voir.
Croyez à mes sentiments bien affectueux.
André Gide


André Gide published extracts from Les Nouvelles Nourritures in March 1919 in the revue des Surréalistes Littérature, reprinted in 1921 in his collection Morceaux choisis (Gallimard), before delivering a complete edition in 1935 (Gallimard).

Les Nouvelles Nourritures presents itself both as a narrative in continuity and in rupture with Les Nourritures Terrestres. While the previous work has the appearance of a vast travel diary where romance and poetry mingle according to the scents of the East without any other common thread than the sensory fluctuations of the narrator, this new narrative takes on a new dimension: the moral dimension.