[RIMBAUD] DELAHAYE, Ernest (1853-1930)

Autograph letter signed « Ernest Delahaye » to Marcel Coulon
Maisons-Laffitte, 28th May 1925, 4 p. in-8, with autograph envelope

« Rimbaud loved things in art that he lacked »

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[RIMBAUD] DELAHAYE, Ernest (1853-1930)

Autograph letter signed « Ernest Delahaye » to Marcel Coulon
Maisons-Laffitte, 28th May 1925, 4 p. in-8, with autograph envelope

Important letter, largely unpublished, in which Delahaye goes back in detail on the origin of Poison Perdu – Rimbaud’s childhood friend then analyzes the compositional faculty of the young prodigy


« Cher Monsieur Coulon,
Je viens de dévorer votre Au Cœur de Verlaine et Rimbaud
1. Je ne m’étendrai pas sur la beauté de l’édition, qu’apprécieront les bibliophiles. Je dois penser aux lecteurs simplement, uniquement lettrés.
Ils goûteront, de même que moi, la composition si heureuse, qui ne laisse pas une seconde s’affaiblir l’intérêt.
Cet après-midi où j’ai eu le plaisir de vous voir chez notre ami Armand Lods, je n’avais pas pu, à cause de la conversation très animée lire à loisir le poème inédit de Rimbaud
2. Maintenant je vais pouvoir, grâce à vous, le lire vraiment, le relire, le relire encore. C’est bien curieux comme moment de cette humeur fantaisiste – fantasque serait plus sévère, peut-être plus vrai – incessamment renouvelée, et variée, de notre Rimbaud ! N’avez-vous pas trouvé, comme moi, que le poème banvillesque est le frère – à peu près jumeau – de Mes petites amoureuses ? Louis Barthou, en effet, méritait d’être remercié publiquement, pour nous avoir laissé admirer ce collier de perles.
Vous avez dû penser – aussi comme moi – que c’est bien étonnant, ce goût de Rimbaud pour Banville à qui il ressemble si peu.
Et là peut-être est la clef du mystère que vous entreprenez d’«élucider» à propos de Poison perdu.
3
Rimbaud aimait en art des choses qui lui manquaient. […]
Il aimait aussi – j’en ai eu la preuve – la faculté de composition. Vous avez dû remarquer qu’elle lui manque plus ou moins.
[…]
Vous avez dû remarquer aussi que Poison perdu, c’est mené, d’un bout à l’autre, admirablement. Est-il si fou de supposer que Rimbaud a trouvé ce sonnet, qui lui a plu à cause de cela, et qu’il l’aurait copié ?
Nous aurions ainsi la raison de l’autographe, qui me paraît bien de son écriture, mais…. Qui n’est pas signé.
Je travaille en ce moment une étude sur la Saison en Enfer
4. Entre autres explications de la nature de Rimbaud, j’ai déjà sur le chantier plusieurs phrases concernant son amour de l’indépendance.
Combien je suis heureux de me rencontrer avec vous, et que vous dites bien « dévoré de liberté, comme le chien enragé, de rage » !
Excusez-moi d’avoir égoïstement savouré d’abord le plaisir esthétique apporté par vos belles études : j’aurais dû vous remercier avant tout du soin que vous prenez de rappeler souvent que je fus mêlé à la vie de Rimbaud. Et vous m’encouragez à le raconter à tout le monde. Vous recevrez prochainement mes Souvenirs familiers à propos de Rimbaud, Verlaine et Germain Nouveau
5, qui contiennent certainement trop de choses puériles : c’est des petites bêtises d’écolier, n’ayant d’autre intérêt que de faire revivre quelques minutes du « terrible adolescent ». Mais votre peinture à la Ribera aura suscité autour de lui tant de curiosités !
J’espère au moins que je vous amuserai un peu.
Bien cordialement à vous
Ernest Delahaye »


1 Marcel Coulon, Au cœur de Verlaine et de Rimbaud, with unpublished document, Le Livre, 1925.

2 This is Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs, first published by Marcel Coulon in Au cœur de Verlaine et de Rimbaud. Le manuscrit, dont le fac-similé est reproduit dans l’édition de luxe du livre de Coulon, appartenait à Louis Barthou. The poem, signed “Alcide Bava”, was sent to Banville on August 15, 1871 (Pléiade, p. 149-154).

3 Often attributed to Rimbaud, Poison perdu was first published in March 1882 in Le Gaulois, accompanied by a notice by Gardéniac. Asked about the authorship of the sonnet in November 1883, Verlaine first attributed it to Rimbaud, before expressing doubts a few days later (letter to Charles Morice, November 17, 1883) to revise himself later, “attesting” in the end to the Rimbaldian authenticity of these verses, “made on site” (La Cravache parisienne, November 3, 1888). Delahaye took a close interest in this sonnet, whose authenticity he also had to contest and then accept, unlike Marcel Coulon, who devoted an entire chapter of his book to Poison perdu “elucidated”.

4 Ernest Delahaye, « Les Illuminations » et « Une saison en enfer » de Rimbaud, Messein, 1927

5 Ernest Delahaye, Souvenirs familiers à propos de Rimbaud, Verlaine, Germain Nouveau, Messein, 1925.

Precious rimbaldian testimony