SAINT-SAËNS, Camille (1835-1921)
Autograph letter signed « C. Saint-Saëns » to a friend
Hammam R’Ihra [close by Algiers, Algeria], 18 Dec. 1911, 6 pp. in-4°
« If you could see it — such delightful landscapes, such lush vegetation, such sunshine by day and such stars by night!… Just one day of travel, a few hours by train, and then you find paradise! »
Fact sheet
SAINT-SAËNS, Camille (1835-1921)
Autograph letter signed « C. Saint-Saëns » to a friend
Hammam R’Ihra [close by Algiers, Algeria], 18 Dec. 1911, 6 pp. in-4°
Imposing header illustration on the first page: “Grand Hôtel des Bains de la Station Thermo-Minérale d’Hammam-R’Ihra”
“‘Alger’ watermark with design”
Small splits along the central fold of the first leaf and tiny tears at the margins
While staying at the Hammam R’Ihra thermal resort near Algiers, the composer, in a long letter with a familiar tone, offers enthusiastic praise for the city of Marseille and the Algerian landscapes
« Alors, parce que Mossieu s’ennuie il faut que je lui écrive ! Je me suis levé à quatre heures du matin, j’ai pioché toute la matinée pour faire un méchant article, demain le courrier va m’apporter un tas de lettres auxquelles il faudra répondre, j’aurai du travail pour toute la journée ; mais ça ne fait rien, mossieu s’ennuie et il faut que je lui écrive pour le distraire !
Quand j’étais petit, j’avais un livre en ma possession dans lequel j’ai lu cette phrase :
Celui qui dit : je m’ennuie, ne s’aperçoit pas qu’il dit : je suis pour moi-même une sotte et ennuyeuse compagnie [Fénelon].
Et alors j’ai pris la résolution de ne m’ennuyer jamais !!!……
Comment ! tu as la Cannebière, la Bouillabaisse, les huîtres, les praires, les clovisses, les oursins, les langoustes, les femmes qui se promènent avec des chapeaux extravagants, les cafés éblouissants, les Marseillais avec leur assent divin, la mer, les ports, les vaisseaux de haut bord, les barques de pêche, les chiens qui aboient en remuant la queue et les fontaines monumentales aux eaux jaillissantes et aux nudités de marbre, et le château d’eau colossal et superbe et le musée de peinture et le musée de sculpture et le musée d’histoire naturelle, et la promenade du Prado, et tu t’ennuies !
J’oubliais les cinématographes qui vous versent pour quelques sous d’illusoires spectacles dont tu me parles. Idiot ! Il ne fallait pas examiner, il ne fallait pas analyser, il fallait croire et tu aurais eu l’illusion ! comme si tout n’était pas illusion en ce monde…
Ici nous n’avons pas de cinématographe, pas de promenade du Prado, pas de musée d’Histoire naturelle pas de musée de sculpture pas de musée de peinture, pas de château d’eau, pas de fontaines monumentales, pas de barques de pêche, pas de vaisseaux de haut bord, pas de ports, pas de mer, pas de marseillais s’appelant Marius, pas de cafés luxueux, pas de femmes extravagantes aux chapeaux ahurissants, pas de langoustes, pas d’oursins, pas de clovisses, pas de praires, pas d’huîtres, pas de bouillabaisse ; nous avons quelques fois des chiens, et nous avons les montagnes, nous avons les roses, nous avons les oranges tellement nombreuses qu’on se demande comment les arbres peuvent les porter, nous avons le soleil, nous avons enfin le silence, incomparable bienfait !
[…]
Si tu voyais, quels délicieux paysages, quelle végétation luxuriante, quel soleil le jour et quelles étoiles la nuit ! Si tu respirais cet air embaumé dans cette température idéale ! Et que faut il ? Un jour de traversée, quelques heures de chemin de fer, pour trouver ensuite le paradis !
Le matin, après avoir pris notre bain dans les vastes caves de l’établissement, nous allons, avant de remonter chez nous, visiter les gigantesques cuisines et mettre notre nez dans les casseroles. Après le déjeuner, après le dîner, formidables parties de dominos où chacun, à son tour, fait à l’autre mordre la poussière.
[…]
Et voilà comment nous allons passer le temps, lui courant les bois quand il n’a pas l’aiguille à la main, moi tantôt écrivant tantôt cherchant ma nourriture dans les collections de la Nouvelle revue et dans la Revue des deux mondes, sans compter une collection de vieilles pièces de théâtre du temps de mon enfance bien curieuses et souvent bien ridicules.
Et maintenant, en t’envoyant à tous les diables, je t’embrasse en te souhaitant la continuation indéfinie de ton inaltérable santé !
Ton vieux copain
Saint-Saëns »
Just back from a long autumn tour across Europe, Saint-Saëns, invited to Heidelberg in October, gave a recital of works by Liszt during the celebrations marking the composer’s centenary. Also in October, he performed at the Festival of the Philharmonic Society in Paris, playing several of his own works before dedicating himself to rehearsals for Proserpine, which was staged at the Trianon-Lyrique on November 10. After a stop in Brussels, he traveled to Marseille on December 5. He then set sail for Algeria, where he arrived on December 13, before heading to the Hammam R’Ihra thermal resort to rest, finally returning to Algiers on December 30.
Accompanied by Gabriel Geslin (1862–1917), whom he mentions several times here, Saint-Saëns had hired him as a valet and butler, and his wife Berthe as a cook. She left both her husband and her position in 1908. The composer continued to employ Gabriel Geslin, who remained in his service from 1892 until 1917. Suffering from tuberculosis and unable to tolerate the cold, Saint-Saëns spent his winters in warmer climates, staying for several months in Egypt, Algeria, or the Canary Islands. Gabriel Geslin occasionally accompanied him on these retreats, as was the case here at Hammam R’Ihra, a thermal resort the composer frequented regularly.
Unpublished letter
Provenance:
F.E. collection