[APOLLINAIRE] TOUSSAINT, Franz (1879-1955)

Autograph letter signed “Toussaint” to Gabriel Soulages
Paris, 23rd May 1914, 3 pp in-4

I saw Apollinaire. He was smoking his pipe in the middle of his Papuan fetishes, his Egyptian and Greek statuettes. On the walls, Picassos, Marie Laurencins and frightening cubic compositions

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[APOLLINAIRE] TOUSSAINT, Franz (1879-1955)

Autograph letter signed “Toussaint” to Gabriel Soulages
Paris, 23rd May 1914, 3 pp in-4
Fold marks, tiny tears and spots

Rich and fascinating letter by Franz Toussaint following his visit to Guillaume Apollinaire. He depicts an epic portrait of the poet, then evokes his collection Alcools and explains his choices regarding his writing method without punctuation. Toussaint then reports Apollinaire’s remarks on Cubism and then on painting in general, notably on Delacroix, Monet, Manet, Carco etc.


Je vais te faire le récit des événements, qui sont nombreux. J‘ai vu Apollinaire. Il fumait sa pipe au milieu de ses fétiches papous, de ses statuettes égyptiennes et grecques. Aux murs, des Picasso, des Marie Laurencin et des compositions cubiques affolantes. Sur la table des volumes dans toutes les langues. Il m’a promis qu’il irait voir le peintre Maury et qu’il en parlerait. Enfin pour m’honorer, il m’a donné son dernier volume Alcools que je t’envoie par ce courrier. Ce recueil de vers est épuisé. Il est donc précieux, lis-le avec attention. Rétablis la ponctuation, seulement. Admire le portrait de l’auteur par Picasso. Au cours de notre long entretien il m’a été impossible de dénicher comment Apollinaire s’y prend pour admirer en même temps une Aphrodite de Scopas et une marchandise du sculpteur cubique Archipenko […] Avant cette dernière visite je le prenais pour un mystificateur. Voici, selon lui, pourquoi il a supprimé et continue de supprimer la ponctuation dans ses écrits :
« Un véritable artiste, dit-il, doit laisser le lecteur ajouter ce qu’il écrit, le laisser libre de voir au-delà de la vision de l’auteur. La ponctuation limite la course des ondes harmoniques de plusieurs phrases. Du reste elle n’est pas du tout nécessaire. Voyez ce qui se passe dans la correspondance téléphonique, où il n’y a aucune ponctuation. On comprend tout, ajoutant autre chose : Lorsque des journaux ou des revues reproduisent mes vers, les typos rétablissent la ponctuation et la mettent exactement là où il faut. Donc, d’une part je permets à certains de mes lecteurs de déplacer à leur gré le rythme de mes vers, et, de l’autre, cette absence de ponctuation ne gêne pas ceux qui la regrettent »
[…] Là où il erre c’est dans ses théories sur le cubisme. Mais il est si fort, si documenté, il excelle tellement à décomposer les divers plans qu’il voit dans une Vénus de Milo, par exemple, il sait tant de choses, il a, dans la mémoire, tous les catalogues des musées du Caire, de Londres, de Vienne, de Constantinople, qu’il vous démonte et réunit presque à vous convaincre. Il dit, à propos de la peinture cubique : Riez, mais attendez. Les articles, jusqu’ici, les artistes que vous admirez (il les admire aussi d’ailleurs) sont en arrière du public. Le public va plus vite que les artistes, alors qu’il appartient aux artistes de dépasser le public. On a ri du Delacroix, du Manet, du Monet, etc… Et Pourtant ! Nos cubiques actuellement ne font pas de la peinture intellectuelle comme leur reproche les critiques les plus indulgents. Ils interprètent ce qu’ils voient. […]
Toussaint


Before Apollinaire, Mallarmé had already composed poems without punctuation as in Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, which is a work both graphic and typographic, as we had indicated during the examination of the theme devoted to silence.

Apollinaire took this form for his collection Alcools, devoid of any form of punctuation. The texts are redacted from dots, commas, etc. to give formal unity to unpublished poems.

This absence of punctuation clearly marks the emancipation of the poet with the classical codes, a strong sign of the anchoring of the work in Modernity.

Franz Toussaint is a French writer and orientalist, also a screenwriter, author of numerous translations from Arabic and Persian, Sanskrit and Japanese. His best-known translation, itself adapted into several other languages, is that of Omar Khayyam’s Rubaiyat
Around 1910, he moved to Paris where he embarked on a literary career and became friends with Ambroise Vollard, Jean Jaurès and Jean Giraudoux.

Wonderful first-hand testimony