CLEMENCEAU, Georges (1841-1929)

Autograph novel for his collection of articles Aux Embuscades de la vie
N.p [1903], 10 pp. in-4

“This happiness did not seem to be done for the miserable Jew who until now had been striving in vain to conquer gold”

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CLEMENCEAU, Georges (1841-1929)

Autograph novel for his collection of articles Aux Embuscades de la vie
N.p [1903], 10 pp. in-4
First draft, numerous corrections

Remarkable manuscript of Clemenceau for his collection of articles Aux Embuscades de la vie. This is the full chapter: Simon, son of Simon, from the first part of the book: In faith


This is an extract of the manuscript:

« Simon, fils de Simon, arrivait au terme de sa carrière sans avoir pu jamais goûter le fruit d’un effort continu pour l’acquisition des richesses qui représentent le bonheur. Fils de Sem ou de Japhet, nous sommes fort enclins à rechercher le signe représentatif de toutes les satisfactions où aspirent les cupidités diverses de notre vie. Ce n’est pas que Simon, fils de Simon, de la tribu de Juda, eût jamais considéré l’avantage des félicités à venir de la possession d’un trésor. Non, la question de l’emploi possible d’une accumulation monétaire n’avait jamais occupé son esprit énergique mais simple. Toujours tendu vers le but unique de la convoitise, il ne s’en était jamais promis d’autre jouissance que de convoiter avec succès. Les beaux habits ne le tentaient pas. Il convient, quand on a pu fixer la richesse au passage, de la couvrir d’un voile de pauvreté, pour ne pas tenter le méchant, prompt à s’approprier le bien d’autrui. Les joyaux, les pierres rares, les vases précieux, la vaisselle de luxe, les tapis, les tentures, le luxe des habitations, les chevaux, ne sollicitaient point son envie. Il n’en avait que faire et ne comprenait point les vaniteuses joies venues de la possession de ces choses. Son rêve n’était pas davantage des beaux corps, parfois accompagnés d’une âme, qui s’obtiennent à des prix débattus pour des voluptés ineffables. Simon, fils de Simon, distinguait fort vaguement entre les esthétiques diverses de telle ou telle fille d’Ève et n’aurait pas donné le moindre maravédis pour la différence de l’une ou de l’autre.

Son désir ingénu n’allait qu’aux métaux en monnaie. Or, argent, bronze, découpés en rondelles, frappés. D’une effigie, lui paraissaient, comme ils sont en effet, la plus grande merveille du monde. L’idée de les entasser bien comptés en des sacs, de les empiler par hautes rangées brunes, blanches ou jaunes, en des coffres à serrures compliquées l’emplissait de délices surhumains. Et le miracle du métal est si grand que, même absent, simplement représenté par une feuille de papier pourvue des formules nécessaires, et portant avec l’estampille de César des signatures de poids, la jouissance de posséder ne se trouvait pas moindre. Certains raffinés même jugent qu’elle s’accroît à l’idée d’enfermer loin des cupidités du monde sous un si mince volume un si vaste trésor.

De tout ceci, d’ailleurs, Simon, fils de Simon, n’avait connu que les visions du rêve qui déjà lui semblaient infiniment plaisantes. Qu’eût été si la réalité avait pu suivre les folles chevauchées d’une imagination délirante ? Mais ce bonheur ne paraissait pas fait pour le Juif misérable qui jusqu’ici s’efforçait vainement à la conquête de l’or. L’or pour l’or et non pour les vains simulacres de plaisirs contre lesquels des malheureux l’échangent, dans leur folie. L’or était beau, l’or était fort […] »


During and after the disputes of the Dreyfus Affair, Clemenceau published collections of articles: Le Grand Pan (1896), in which he praised paganism preceding Judeo-Christianity; Au fil des jours (1900) and Les Embuscades de la vie (1903).

Beau témoignage de travail de réécriture du Tigre pour l’un de ses célèvres ouvrages