FLAUBERT, Gustave (1821-1880)

Autograph letter signed « Ton G. » to Louise Colet
[Croisset] Satursday evening [26th June 1852.], 4 pp. in-4°

« Bovary knocks me out »

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FLAUBERT, Gustave (1821-1880)

Autograph letter signed « Ton G. » to Louise Colet
[Croisset] Saturday night [26 juin 1852.], 4 pp. in-4to, autograph envelope attached with postmarks and red wax seal
Traces of folds, small trace of rust on page 4, tiny missing in the upper margin on second folio

Long and remarkable letter on his life in Paris, Alfred de Musset, poetry and the painstaking writing of Madame Bovary


« Je viens d’écrire trois lettres, une à Trouville, à un capitaine, pour avoir 60 litres de rhum anglais, une à Henriette Collier pour qu’elle te ou me renvoie ton album et une au sieur [Maxime] Du Camp. Il y a, je crois, revirement. À propos de l’Ulysse de Ponsard il m’a écrit de but en blanc et il recommence a déplorer amèrement, c’est le mot, que je ne sois pas à Paris où ma place était entre Ponsard et Vacquerie. Il n’y a qu’à Paris qu’on vit, etc. , etc. Je mène un vie neutralisante. Je lui ai répondu strictement et serré sur ce chapitre. Je crois qu’il n’y reviendra plus et qu’il ne montrera ma lettre à personne. Je m’y suis tenu dans le sujet, mais je l’emplis. Ma lettre a quatre pages ; en voici un paragraphe que je copie et qui te donnera une idée du ton : “C’est là qu’est le souffle de la vie, me dis-tu. Je trouve qu’il sent l’odeur des dents gâtées, ton souffle de vie. Il s’exhale pour moi, de ce Parnasse où tu m’invites, plus de miasmes à faire vomir que de vertiges. Les lauriers qu’on s’y arrache sont un peu couverts de merde, convenons-en.
Et à ce propos, je suis fâché de voir un homme d’esprit renchérir sur la marquise D’Escarbagnas, laquelle croyait que “hors Paris, il n’y avait point de salut pour les honnêtes gens”. Ce jugement me paraît être lui-même provincial, c’est-à-dire borné. L’humanité est partout, mon cher monsieur, mais la blague plus à Paris qu’ailleurs, j’en conviens”, etc.
Ton long récit de la visite de Musset m’a fait une étrange impression. En somme, c’est un malheureux garçon. On ne vit pas sans religion. ces gens-là n’en ont aucune, pas de boussole, pas de but. On flotte au jour le jour, tiraillé par toutes les passions et les vanités de la rue. Je trouve l’origine de cette décadence dans la manie commune qu’il avait de prendre le sentiment pour la poésie.
Le mélodrame est bon où Margot a pleuré.
ce qui est un très joli vers en soi, mais d’une poétique commode. “Il suffit de souffrir pour chanter “, etc. Voilà des axiomes de cette école ; cela vous mène à tout comme morale et à rien comme produit artistique. Musset aura été un charmant jeune homme et puis un vieillard ; mais rien de planté, de rassis, de carré, de serein dans son talent ni sa personne (comme existence j’entends). C’est que, hélas ! Le vice n’est pas plus fécondant que la vertu. Il ne faut être ni l’un ni l’autre, ni vicieux, ni vertueux, mais au-dessus de tout cela. Ce que j’ai trouvé de plus sot et que l’ivresse même n’excuse pas, c’est la fureur à propos de la croix. C’est de la stupidité lyrique en action, et puis c’est tellement voulu et si peu senti. Je crois bien qu’il a peu écouté Melaenis. Ne vois-tu donc pas qu’il a été jaloux de cet étranger (Bouilhet) que tu te mettais à lui vanter après l’avoir repoussé (lui, Musset) ? Il a saisi le premier prétexte pour rompre là les chiens.
Il eût été plus fort de ta part de souscrire à sa condition et puis, le soir de la lecture, de lui répondre par ses maximes “qu’il faut qu’une femme mente”, et de lui dire “mon cher monsieur, allez à d’autres, je vous ai joué”. S’il a envie de toi il lira ton poème ; mais c’est un pauvre homme pour taire l’aveu que les petits journaux l’empêchent de tenir sa parole. Sa lettre d’excuse achève tout, car il ne promet encore rien ; ce n’est pas franc. Ah mon Dieu ! mon Dieu ! quel monde !
Voilà plusieurs fois que je t’écris et que je ne pense pas à te parler de l’article de Melaenis. Si tu crois que Monsieur Nefzer fera l’article, ça vaudrait mieux. Tâche de le savoir. Si non, nous rarrangerons un peu le tien et le reverrons.
Je n’aime pas tes corrections aux Résidences royales (nous verrons cela plus tard), ni ton sonnet. Tu mériterais bien que je te tirasse (excusez le subjonctif) les oreilles pour ton réintroniser, expression de droit canonique que tu me fourres là ! Tu emploies quelquefois ainsi des mots qui me mettent en rage. Et puis le milieu du sonnet n’est pas plein. Il faut que tous les vers soient tendus dans un sonnet, et venant d’une seule haleine. La pièce de Bouilhet sur Pradier avait, dimanche dernier, 12 vers de faits. Il a dû supprimer le commencement qui était mauvais. Il m’apportera, j’espère, demain la chose finie.
Je suis harassé. J’ai depuis ce matin un pincement à l’occiput et la tête lourde comme si je portais dedans un quintal de plomb. Bovary m’assomme. J’ai écrit de toute ma semaine trois pages, et encore dont je ne suis pas enchanté. Ce qui est atroce de difficulté c’est l’enchaînement des idées et qu’elles dérivent bien naturellement les unes des autres.
Tu me parais, toi, dans une veine excellente ; mais médite davantage. Tu te fies trop à l’inspiration et vas trop vite. Ce qui fait, moi, que je suis si long, c’est que je ne peux penser le style que la plume à la main et je patauge dans un gâchis continuel que je déblaye à mesure qu’il s’augmente. Mais pour des vers c’est plus net, la forme est toute voulue. La bonne prose pourtant doit être aussi précise que le vers, et sonore comme lui.
Je lis dans ce moment une charmante et fort belle chose, à savoir Les États de la Lune, de Cyrano De Bergerac. C’est énorme de fantaisie et souvent de style.
Peux-tu me dire l’époque à peu près précise de la lecture de ton prix ? Je pense avoir fini ma première partie à la fin du mois prochain. Nous irons à Trouville 15 jours au mois d’août. Si mon voyage à Paris se trouvait entre ces deux époques, ça m’arrangerait.
Adieu, chère femme bien-aimée, je t’embrasse sur le coeur. À toi, à toi. Ton G.
Sais-tu que ton récit de la visite de Musset est crânement bien écrit, sans que tu t’en sois doutée peut-être ; ça empoigne. »


Flaubert begins by disapproving of the credit given to Parisian life, proclaiming his taste for isolation, he, who likes to give himself the ethos of a martyr of art doomed to live far from the centralized tumult. Encouraging Colet to join him in the provinces, he wrote to him in his letter of 14 Aug. 1853: “Let us love each other in Art!” Perhaps here we can read the writer’s perpetual quest for perfection. And perhaps we can anticipate the rest of the letter, in which, on the one hand, he severely criticizes the poetry of his lover, of romantic style, and, on the other hand, evokes his own relentlessness: “I have written all my week three pages, and still of which I am not delighted.”

Although he gave up the contemporary conception of the family and “not made for happiness, nor perhaps for love” (letter to Louise Colet of 2 Dec. 1846), he had a passionate affair with Louise Colet (1810-1876), a poet and novelist, from 1846. Muse and mistress, certainly, Colet is also his privileged epistolary correspondent. This link was not obvious at first sight: the charismatic poet inspires what Flaubert disapproves of: the inter-self of the small literary milieu, with its torments and shenanigans.

From 1849, the break ups follow one another, until the last one, in 1855. A double revenge ensued: Colet publicly mocked Flaubert in Lui (1858), pointing to his “monstrous pride”, while Flaubert worked to denigrate the work of his former mistress, his words did not, however, come out of his private circle. This is not without consequences. Indeed, his literary success of the time, the popularity of the “small Coletian circle” was almost erased from posterity; it was not until 2014 that his novels – although praised by Victor Hugo – were republished for the first time.

The paragraph about Alfred de Musset (1810-1857) highlights Flaubert’s aversion to the idealism and sentimentalism of the first wave of Romanticism, of which Musset was one of the leaders. The qualification of “unfortunate boy” certainly refers to the famous Confession of a Child of the Century (1836), a novel of autobiographical inspiration in which Musset develops the “evil of the century”, a feeling of melancholy, anguish generated by nostalgia for the times before the emergence of a materialistic society and emptied of all spirituality.

Thus, Flaubert’s remarks towards Musset readily accuse this auctorial staging familiar to the Romantics. Nevertheless, we also detect a certain exasperation on the part of Flaubert, to see the eyes of his lover turn away: “Have I been jealous, me, in all this? – It may be. (“Letter to Louise Colet” (July 12, 1852). Recall that three weeks earlier, Colet recounted in his memento his meeting with Musset: “he arrives at one o’clock, breathless, coughing, spitting, looking gray; I offer him a glass of sugar water, he asks for a glass of wine. I tell him that I have only very mediocre ones, he tells me that the wine he prefers is the blue wine. He swallows a large glass of the wine I have for Henriette at 12 under the liter. Beyond literary differences and rivalry for Colet’s heart, similar descriptions of the alcoholic aristocrat contributed to Flaubert’s repugnance towards Musset.

Moreover, the novel Lui, which we evoked, seems openly inspired by the triangular love linking the three writers: a beautiful novelist torn between Léonce, misanthropic novelist, and Albert fallen alcoholic poet. The excerpt from Colet’s memento quoted above is reproduced as it is in the work.

Let us recall, however, that Flaubert, contrary to what the literary heritage tells us, does not categorically reject Romanticism; he even signed one of his last letters before dying “Gustave, the last romantic ganache” (letter to Léon Hennique, February 2, 1880), and he regretted that Madame Bovary had become the archetypal work of the so-called realist novel – he always rejected terms such as realism and naturalism.

An archetypal work of realism, although the introduction of decorum and the desire to “make a book on nothing” (“Letter to Louise Colet” (January 16, 1852), would hardly find an equal in romanticism, including the second wave – are for example hugo’s flagship novels.

When Balzac, of whom Flaubert claims to be the antipodes, writes seven versions of Father Goriot (1834) in forty-two days – make no mistake, it does not mean that all the work of the genesis and evolution of the work lasted only a month and a half! –, Flaubert, meanwhile, takes almost five years to write Madame Bovary, a work that André Versaille summarizes in La Bêtise, l’art et la vie. Writing Madame Bovary (1991): “He writes two pages a day, two-thirds of which he destroys the next day. (…) He is the sensation; experience the sensation, and slowly, manage to restore it. »

We all know the anecdote of the draft of Madame Bovary’s incipit longer than the novel itself. Indeed, the writer is convinced that there is only one good way to write things; we then understand the perpetual quest for the “right style”, a style that requires that “all sentences be different and, at the same time, that words cannot be changed when they [are] in a sentence.”, according to Yvan Leclerc in Flaubert. Life and Works (2005).

Finally, we can amuse ourselves with the mention of States [and Empires] of the Moon (1655) by Savinien de Cyrano de Bergerac (1619-1655). Indeed, this novel recounts adventures on the moon and the sun where daydreaming and imagination come to compensate for the lack of scientific knowledge. This seems to us to be far from the work of observation to which Flaubert devotes himself to describe in a very realistic way the society of his time.

References:
Faubert – Correspondance, Bibl. de la Pléiade, vol. II, p. 116-118
Correspondance, Conard, t. II, p. 445-449