PAULHAN, Jean (1884-1968)
Autograph letter signed « Jean Paulhan » to Thierry Maulnier
N.p.n.d., « le 25 » [late 1939], 3 p. in-8° on NRF letterhead
« La pesée de Charles Maurras sur la politique française, depuis 1914, n’a pas été moindre que celle de Laval, de Poincaré ou de Blum »
Fact sheet
PAULHAN, Jean (1884-1968)
Autograph letter signed « Jean Paulhan » to Thierry Maulnier
N.p.n.d., « le 25 » [late 1939], 3 p. in-8° on NRF letterhead
Collection stamp on lower left corner of each page, on word crossed off by Paulhan
Long letter from Paulhan, between reflections on Francoism and French domestic policy, on the eve of the Second World War
« Cher Thierry Maulnier,
Oui, c’est une distinction fort grave que celle des deux “pays”. Mais qui pose un problème (il me semble), plutôt qu’elle ne le résout : Pourquoi les français qui, au fond, sont pour Franco élisent-ils les adversaires de Franco, etc. De quoi veulent-ils se punir ; ou comment, se dépasser eux- mêmes ?
– Je songeais à un problème légèrement différent, non moins grave : pourquoi le “pays légal” n’agit-il pas en pays légal, pourquoi (à son tour) se trompe-t-il* lui-même ? / *ou veut-il se dépasser /. Pourquoi cette façon (aristocratique) de gouverner par cessions et accommodements entre spécialistes – et tout aussi bien par entente avec les ennemis du régime ?
Car enfin, il y a des ministères officieux dont la puissance n’est pas moins grande que celle des ministères officiels. Ainsi du parti socialiste. Ainsi de l’Action française. La pesée de Charles Maurras sur la politique française, depuis 1914, n’a pas été moindre que celle de Laval, de Poincaré ou de Blum. (Il est arrivé qu’elle passât par Blum, Poincaré ou Laval.) Ni Poincaré n’a jamais fait une politique poincariste, ni Blum une politique qui fût carrément de Front populaire.
Vous voyez où je voudrais en venir : n’est-ce pas une même raison qui empêche le pays légal comme le pays réel de s’exprimer – celui-ci par ses représentants, celui-là par ses actes ?
Votre dernière question est trop nette pour que je n’y réponde pas aussi nettement. Il est bien vrai que je ne vois pas dans l’histoire l’arbitre, désigné par un tirage au sort, que je souhaiterais* / *Athènes excepté, mais le cas est fort différent / Mais trouvez-vous une grande différence entre le tirage au sort et l’hérédité ?
Et qu’importe après tout que l’Arbitrage soir confié à quelque vivant connu, ou à quelque enfant à naître (plus inconnu encore). Chesterton a là-dessus un mot qui me paraît infiniment sage : “Le despotisme héréditaire est démocratique dans son essence : s’il ne proclame pas que tous les hommes peuvent à la fois gouverner, il proclame ce qu’il y a de plus démocratique immédiatement après, à savoir que n’importe qui peut gouverner“. Mais Pascal déjà…
Enfin, si vous me refusez le tirage au sort, je vois très bien un roi à l’extrême pointe de la démocratie.* [voir renvoi infra]
Je suis à vous, tout à fait cordialement. Et merci de votre article, qui m’a extrêmement intéressé.
Jean Paulhan.
*comme un dictateur à la pointe de l’aristocratie. (Mais c’est un sujet que je tâcherai de traiter).
Votre introduction était forte et belle. Et suis content que vous ayez songé à Karin [alias de Catherine] Pozzi. Sponde figure-t-il dans votre anthologie ? (Je crois qu’il l’eût mérité.) »
Highlighting the dichotomy between official governance—the “legal country”—and the underlying social and political reality—the “real country,” Paulhan emphasizes here that this distinction raises more questions than it answers, particularly regarding the motivations of the French who support policies that run counter to their deepest convictions. Paulhan was also aware of his correspondent’s Francoist sensibilities (and more broadly, those of the dictatorships of the time).
The anthology (mentioned at the end of the letter) is here an allusion to Introduction à la poésie française, a collection following the dissertation defended by Dominique Aury (then Maulnier’s mistress before becoming Paulhan’s a few months later) at the Sorbonne. Prefaced by Maulnier, it appeared under the latter’s sole name in September 1939. Received as Diane Française, the book would have to be reprinted numerous times due to its great success.
We have not found any trace of the Maulnier article mentioned by Paulhan.
Provenance:
Thierry Maulnier’s estate