PROUST, Marcel (1871-1922)

Autograph letter signed « Marcel » to Robert de Flers
[Paris, 16th or 17th November 1913], 4 pp. in-4

«Keep in you the source of youthful memories»

SOLD
Add to Selection
Fact sheet

PROUST, Marcel (1871-1922)

Autograph letter signed « Marcel » to Robert de Flers
[Paris, 16th or 17th November 1913], 4 pp. in-4
Slight discoloration on the fourth page, some light stains.

Touching letter in which Proust virtuously shares his state of mind, just a few hours after the launch of his first volume of In Search of Lost Time


“Mon cher petit Robert

Ta lettre me fait beaucoup de peine parce que tu me dis que je t’en ai fait, et elle me fait aussi à cause de cela beaucoup de plaisir. C’est que malgré tout ce que je te dis (et tu t’en doutes peut’être) je t’aime énormément ; je t’ai dit cela parce que je crois que je le devais, et si cela ne t’a pas laissé indifférent, c’est que tu es resté bon. Seulement je t’en prie ne fais pas d’article sur moi, cela enlèverait à ma lettre, à ta réponse, à tout ce que nous nous sommes dit, tout leur prix. Ta lettre m’a plus ému que ne pourrait faire ton article.
Ce qui me fera plaisir, c’est si plus tard tu as le temps [,] que tu lises la partie de mon livre sur la jalousie [Un Amour de Swann], je crois que tu en seras touché. Si jamais (dans très longtemps) tu as à rendre compte d’une pièce où il y ait une situation analogue, si tu veux citer mon livre (si tu l’as aimé) fais-le, dans une simple parenthèse, mais pas d’article je t’en prie sincèrement.
J’ai eu l’écho que mon éditeur [Grasset] réclamait et c’est tout ce qu’il me fallait.(1)
Je suis très malheureux en ce moment mon petit Robert et je ne sais si j’aurai même le courage de recopier les deux derniers volumes qui sont cependant tout faits [Sodome et Gomorrhe & Le Temps retrouvé]. Et pendant ce temps là, pendant que comme un fou je loue une propriété pour quitter Paris, puis reste ici, puis veux partir(2) (mais je crois que je vais partir pour toujours), il faut m’occuper de ce livre, on veut le présenter au Prix Goncourt.(3) Mon éditeur n’avait consenti à le faire paraître avant que je parte qu’à condition qu’il fût annoncé avant le flot des livres d’étrennes. Et je lui avais promis cet écho. Mais tu comprends comme cela me gênait de le demander à Calmette(4), lui ayant dédié le livre et l’article du Temps(5) [,] ayant ôté t[ou]t ce que j’y avais ajouté de gentil à la dédicace. Je comprends qu’avec tous les gr[and]s intérêts que tu as entre les mains t[oute]s ces vétilles ne puissent t’arrêter. Et si je t’en parle avec cette complaisance, ce n’est pas que par manque de clairvoyance je ne me rende pas compte du peu d’importance qu’elles ont pour toi. Mais je sens obscurément que quelqu’un qui t’aime vraiment ne peut rien faire de plus gentil que de maintenir en toi la source des souvenirs juvéniles, et des émotions désintéressées. Je ne sais pas comment tu n’as pas encore eu mon livre, je te l’ai envoyé en même temps qu’à Vonoven, Beaunier, Dreyfus. Et Vonoven m’a déjà répondu.
Je t’embrasse de tout mon cœur mais sérieusement, je t’en prie et c’est sincèrement, pas d’article tu me ferais du chagrin.
Tout à toi
Marcel”


1 – Proust refers here to the echo published in Le Figaro on Sunday, November 16, 1913.
2 – Proust resided at 102 Boulevard Haussmann in Paris from 1906 to 1919. Nevertheless, he faithfully went to Cabourg (Balbec in In the Search of Lost Time) every year between 1907 and 1914. Its drop-off point was always the same: the Grand Hotel.
3 – It was initially planned to present Swann’s Way at the Goncourt Prize, but the idea was quickly abandoned. As everyone knows, Proust won the prestigious prize a few years later in 1919 with the second volume, In the Shadown of Young Girls in Flowers.
4 – On the first page of Swann’s way, Marcel Proust wrote « To Mr. Gaston Calmette, as a testimony of deep and affectionate gratitude ». Note that Proust will write shortly before its release « It is possible that because of the extreme indecency of this work, I do not maintain this dedication »
5 – Prousst refers here to the article published on November 13, 1913 in the newspaper Le Temps

Proust had to take a large number of refusals by publishing houses for the publication (including Gallimard) of Swann’s Way, the first volume of In The Search for Lost Time. As a providential man, Bernard Grasset finally agreed to publish the novel, in two volumes, at the author’s expense. In order to satisfy his publisher and to announce at best the launch of his work, Proust asked a few days earlier to Robert de Flers, then a journalist at Le Figaro, to make an echo of it that will appear on the front page of the newspaper on November 16. Marcel Proust himself collaborated with Le Figaro by publishing, from 1908, a series of pastiches.

In parallel to this echo, Proust made another in the newspaper Le Temps the day before the book was published, on November 13, with the help of Elie-Joseph Bois.

 

Note: Kolb XII, p. 325