[RIMBAUD] DELAHAYE, Ernest (1853-1930)

Autograph letter signed « Ernest Delahaye » to Marcel Coulon
Maisons-Laffitte, 29th June 1929, 6 p. in-8, with autograph enveloppe

The admirable poet replied, with a sweet smile: “It made them puke »”

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[RIMBAUD] DELAHAYE, Ernest (1853-1930)

Autograph letter signed « Ernest Delahaye » to Marcel Coulon
Maisons-Laffitte, 29th June 1929, 6 p. in-8, with autograph enveloppe
Some pin holes on lower margin, not affecting the text

Magnificent unpublished letter with multiple references and Rimbaldian allusions. Delahaye recalls the young prodigy’s journey in the Parnasse, between acceptance and rejection, and the briliant letter “Jumphe” that Rimbaud sent him in June 1872.

He then reports three unpublished quotations from Rimbaud, two of which followed the Brussels Affair.


« Cher Monsieur Coulon,
Il y avait une fois un enfant à qui un monsieur donna un gâteau. Cet enfant, très gourmand, se mit aussitôt à dévorer la pâtisserie délicieuse. Alors sa maman lui dit : « Au moins dis merci, petit vilain ! » Or il souriait à son bienfaiteur, mais, ayant la bouche pleine, était forcé de rester muet. C’est seulement après la dernière bouchée qu’il put proférer les deux mots requis. « On n’a pas idée » s’écria la mère, « d’un enfant aussi malhonnête et aussi goulu ! »
A quoi il répondit : « C’est que le gâteau était si bon ! »
Cela, j’espère, excusera mon retard. Lire d’abord, lire, lire, jusqu’à la fin, qui vient trop vite.
[Delahaye reacts here to the work published a few days earlier by the Rimbaldian Marcel Coulon, La vie de Rimbaud et son œuvre, Mercure de France, 1929]
Par exemple, quelles citations ! Je ne parle pas seulement de moi, que vous avez gâté, mais la lettre de [Léon] Valade, est-elle jolie ! Rimbaud lui avait plu, vous voyez. […] Je sais que Rimbaud l’aimait, qu’il fut affligé de son abandon – au moment des indignations dans le Petit Parnasse […]. Il me remit en souvenir un poème manuscrit que Valade lui avait donné. Si je n’étais pas le désordre en personne, j’aurais gardé cette belle œuvre. Elle doit avoir été publiée depuis. Je me rappelle les premiers vers :
Si froide je te veux, ô tombe, que la couche
Manque un mot (1) De terre où je vais m’étendre sur le dos
Eteigne enfin la fièvre ardente de mes os,
La fièvre qu’alluma le baiser de sa bouche !

-Peut-être le vers est-il ainsi
De terre où je voudrais m’étendre sur le dos
Ou plutôt :
De terre où je viendrai m’étendre… (oui, ce doit être la vraie forme)
[The poem quoted here is “Sépulture” by Léon Valade – collected by Paul Bourget and Jules Claretie]
Et j’ai eu enfin le plaisir que je vous dois, car vous faites revivre pour moi Rimbaud toujours un peu plus – Le plaisir de relire cette belle lettre de « Jumphe » [Jumphe 72 : Rimbaud represented himself in his work as a writer and informed his friend about the life he led in Paris with sensitivity and vivacity], si affectueuse et où cette adorable description de l’absinthe ! Or voici un détail qui me revient. Je lui demandais, quelques semaines plus tard :
« Alors qu’est-ce qu’ils disaient, les cloportes
[allusion to a fragment in the letter Jumphe 72*], quand tu fumais ta pipe marteau ? »
L’admirable poète me répondit, avec un doux sourire :
« Ça les faisait dégueuler »

Salva reverentia, n’est-ce pas, cher Monsieur Coulon, je ne conterai pas cette chose devant les dames, mais entre hommes… Et puis cela me rajeunit tellement !
Avec cette lettre j’avais conservé celle où Rimbaud m’annonçait (une venant de Roche) en ces termes la condamnation de notre pauvre ami 
[Verlaine, following the Bruxelles affair] :
« Une nouvelle à faire pousser des crêtes de paon sur un… »
Horresco à tel point referens
[« I shudder by telling it», Virgile – Enéide, II, 204] que je préfère les points de suspension.
« Verlaine a deux ans de prison ! »
Qu’est-elle devenue ? Qu’est devenue surtout la grande lettre de quatre pages, sur papier bulle, écrite au printemps de 71, à la bibliothèque de Charleville (où le papier blanc manquait ce jour-là, sans doute) ? Il m’y racontait son rendez-vous avec la jeune personne ainsi décrite : « Au physique, analogie frappante avec Psuké », ne la nommait pas mais ajoutait ceci : « Sa mère à l’âme catholique, son père a l’âme magistrate ».
[Delahaye therefore refers to two letters that were then lost and of which no one has heard of their whereabouts, the first probably dating from July / August 1872, following that of Jumphe 72, the other probably dating from August 1873, after the announcement of verlaine’s imprisonment. To these two missives is added the famous letter of May 1871 on the enigmatic Psuké, of which Delahaye later brought back only a few that he remembered]
Cela, n’est-ce pas ? doit expliquer pourquoi la petite vint bel et bien au square avec sa bonne : il semble qu’un magistrat pouvait avoir de ces curiosités narquoises, avec, bien entendu, quelques précautions tout indiquées. Il me parlait aussi de [Frédéric] Mistral, m’en donnait une longue citation. Oui, où est-il cet autographe le plus sérieux de tous ? J’en ai parlé à M. Barthou, qui ne le connaît pas. Où se cache le sournois collectionneur, cent fois plus sombre, mille fois plus jaloux que le More de Venise ?… [Verse translation of Othello by Alfred de Vigny, published in 1829] Combien de millions faudrait-il lui offrir ?… Je n’ai qu’une partie de la somme, mais enfin le monde entier se « cautériserait », pour parler comme La Dame aux sept petites Chaises, et la N.R.F. tirerait aussitôt à 14 millions d’exemplaires. On m’objecterait que si, moi-même, j’avais eu l’idée, très simple, de ne pas livrer le papier bulle… Je sais bien… Comme écrit Verlaine :
J’aurais dû ! J’aurais dû !…
[Amours, Lucien Létinois, XVI]
Mais encore une fois merci, cher monsieur Coulon, et très cordialement à vous,
Ernest Delahaye »


* In his letter to Delahaye of June 1872, known as Jumphe, Rimbaud reported to him:

“Je fumais ma pipe-marteau, en crachant sur les tuiles, car c’était une mansarde, ma chambre. À cinq heures, je descendais à l’achat de quelque pain ; c’est l’heure. Les ouvriers sont en marche partout. C’est l’heure de se soûler chez les marchands de vin, pour moi. Je rentrais manger, et me couchais à sept heures du matin, quand le soleil faisait sortir les cloportes de dessous les tuiles”

 

Precious Rimbaldian testimony