CÉLINE, Louis-Ferdinand (1894-1961)

Autograph letter signed « Louis » to his wife Lucette Destouches
[Vestre Faengsel Prison, Copenhagen], 16 February [194]6, 2 p. in-folio

« I will soon be found to be the Main Person responsible for all the Jewish martyrs… »

EUR 4.900,-
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Fact sheet

CÉLINE, Louis-Ferdinand (1894-1961)

Autograph letter signed « Louis » à sa femme Lucette, under cover of Erik V. Hansen’s lawyer
[Vestre Faengsel Prison, Copenhagen], 16 February [194]6, 2 p. in-folio with pencil
Typographical annotation « 18 » for the edition Lettres de prison
Some stains, browning, fold marks, upper margin tears

A long letter about his hatred against Jews and communists, his “hide and seek” game with the French authorities, his tenderness for Lucette and his memories of Montmartre

“The books that they want me to expiate, Bagatelles and L’École were published almost 10 years ago! The Journey the beginning of my misfortunes in 1933!”


« Dear sir, I wish you would have this letter translated for you by my wife as it is too complicated to write in english. Mon petit chéri. Avec grande inquiétude je te vois trouver toute naturelle l’idée d’aller me faire juger à Paris. Peste non ! Je ne consens à rien de la sorte. Je m’accroche au Droit d’Asile comme un diable ! Comme un juif ! Jamais aucun d’entre eux réfugiés ici n’a consenti sur de belles paroles à aller se faire juger par Hitler ! Foutre non ! Mon cas est exactement le même. Bien sûr que les Danois seraient enchantés que je me livre moi-même. Quelle belle épine du pied ! Je ne consentirai jamais il faudra qu’ils me livrent qu’ils prennent la responsabilité après m’avoir bel et bien accueilli pendant un an. Ce qui aggrave d’ailleurs mon cas à Paris. Le Parquet de Paris a lancé un mandat pour trahison. Il s’agissait d’un coup d’esbroufe vis-à-vis des Danois qui devait réussir dans les 24 heures ou faire long feu si on demandait des détails. Mais l’accusation trahison a bel et bien été notifiée officiellement. Il faut les piper à leur propre bluff. Dans le Code français et surtout celui de l’Épuration trahison = mort. Or le droit d’asile n’est de coutume conféré qu’aux réfugiés politiques menacés de mort. Le Gouvernement français prend soin de me notifier officiellement qu’il veut me fusiller. Quelle chance ! À bien retenir et mettre en valeur […]. On me trouvera vite le Grand responsable de tous les martyrs juifs. La populace ne demande qu’à le croire. Il ne s’agit d’ailleurs pas de justice ni de vérité mais servir ma tête en vengeance aux juifs et aux communistes. C’est tout. On trouvera les arguments, on les inventera. Marie [Canavaggia] est comme Louise [l’héroïne de l’opéra de Gustave Charpentier que Céline cite à plusieurs reprises dans Féérie]. Elle a l’imagination bégnine. Elle ne voit pas l’avenir atroce – jamais. Je suis réfugié politique menacé officiellement de mort. C’est tout. Si la Légation qui connaît si bien mon adresse voulait être renseignée sur mes allées et venues il lui était facile de me faire mander à la Légation mais on m’a fait jeter en prison bien dans l’intention de me livrer ficelé aux bourreaux de Paris. À présent que le pétard a fait long feu on se perd en chicanes et en mauvaise foi. Ils sont incapables d’expliquer aux Danois pourquoi et comment je suis traître […]. Pour les menaces de mort elles ont dû être détruites lors du pillage de la rue Girardon [référence aux menaces anonymes que Céline recevait par la poste à la fin de l’Occupation à son adresse du 4, rue Girardon]. Mais il y a mieux. Dans les journaux clandestins de la Résistance j’étais souvent sans aucune provocation de ma part promis au supplice […] Si Paul-Boncour se désiste il faudra songer à Maître Aubépin, le défenseur de Pétain qui me paraît très brave […]. Je n’aurai pas trop de deux avocats […] À Paris la frousse règne ils s’avanceront difficilement. Il faut s’accrocher au Danemark. Comme les juifs nos maîtres en toute chose. Le fait que j’ai été en Allemagne m’accable pour les Français mais si j’étais resté à Paris ils m’auraient assassiné […]. Je vois beaucoup d’oiseaux ils chantent au premier soleil. Ils sont bien malheureux comme moi lorsqu’il fait sombre. Tu m’as bien appris à aimer les petits oiseaux. C’est une bien grande joie dont je profite à présent derrière mes barreaux. Les jours rallongent comme disait Inès [La femme de ménage qu’employait le couple rue Girardon]. Dans le jardin de Barbe bleue les primevères ne sont plus loin [L’un des jardins que Céline apercevait depuis sa chambre]. Le merle a chanté tout l’hiver au boulodrome. Les anglais montent à présent Rue St-Vincent [rue de la butte Montmartre]. Chaunard [Claude Chervin] leur vend des aquarelles […]. Si les Communistes n’ont pas encore pris tout le pouvoir en France c’est qu’on a encore trop besoin des Américains pour la reconstruction. Lis bien les journaux français, surtout Le Monde et La Bataille – et la rubrique Épuration. Tout cela nous guide. Il est difficile aux Danois de se rendre compte de l’hystérie et de la haine politique et littéraire françaises. Cela leur paraît du roman hélas ils n’ont qu’à penser à la St Barthélémy – aux Huguenots, à 89, 48, 71 ! Ce n’est pas le côté Vie Parisienne. Ils ne veulent pas le voir. Mikkelsen seul je crois comprend parfaitement ce côté des choses. Les livres que l’on veut me faire expier Bagatelles et L’École sont parus il y a bientôt 10 ans ! Le Voyage le commencement de mes malheurs en 1933 ! Passe voir Hansen samedi pour les dernières nouvelles.
Louis »


The writer fled with his wife Lucette in the early hours of the Purge, in June 1944. Long months on the run followed, first in Baden-Baden and then in Sigmaringen, alongside the collaborationist intelligentsia. Once they arrived in Denmark (still occupied) in March 1945, they stayed in Copenhagen with Karen Marie Jensen, Céline’s friend and former mistress. The writer ended up being recognized by several sources. He was finally arrested on 17 December 1945 by the Danish authorities. France demanded Céline’s extradition, which was refused by the Danish Minister of Justice. The latter feared a hasty trial of the pamphleteer, and rightly so: under arrest warrant since April 1945, Céline was charged under article 75 of the penal code for intelligence with the enemy and would most likely have been shot if he had been found guilty after his extradition. A tug-of-war between the Danish and French authorities then began. Her lawyers Mikkelsen and Hansen are playing for time in order to spare Céline the fate of Brasillach. Fourteen months of detention followed for the writer which in a way saved his life.

Provenance:
Private collection

Bibliography:
Lettres de prison, éd. François Gibault, Gallimard, 1998, p. 43-45 – Lettres, éd. Henri Godard et Jean-Paul Louis, Pléiade, 2009, n°46-5 (Contrary to what is reported in note n°1 in the edition of La Pléiade, Céline does not sign her short introductory speech in English to the lawyer Erik V. Hansen. The author writes his name opposite “varetægtsfange”, which was obligatory in order for the letter to leave the prison administration).