PROUST, Marcel (1871-1922)

Autograph letter signed « Marcel » to Reynaldo Hahn
N.p.n.d « Monday » [7th January 1907], 8 p. in-8° on mourning paper

« If you write to Montesquiou, tell him that the truth is out of his dilemma, in full improbability for those who do not know my life… »

EUR 8.500,-
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PROUST, Marcel (1871-1922)

Autograph letter signed « Marcel » to Reynaldo Hahn
N.p.n.d « Monday » [7th January 1907], 8 p. in-8° in black in on mourning paper, two bi-folios, watermark « L. T. & C° »
Small annotation in pencil in the upper margin of the first page, period fold marks
Slight discharges of ink on the first bi-folio testifying to a folding by Proust when the ink was not yet dry.

A precious letter to Reynaldo Hahn, his “Bunchnibuls”, about his relationship with Robert de Montesquiou and the latter’s late lover, Gabriel de Yturri, the one who inspired Proust for the character of Jupien in The Search


« Mon petit Reynaldo
Je suis triste de n’être pas en état de vous dire plutôt ce que je vous écris. Si vous écrivez à Montesquiou dites-lui que la vérité est hors de son dilemme, en pleine invraisemblance pour qui ne sait pas ma vie. La vérité c’est qu’arrivé à Versailles le 6 Août, je n’ai pas pendant ces cinq mois été une seule fois capable de sortir. Je n’ai pas été une seule fois au Château, pas une seule fois à Trianon (mais du reste vous savez bien tout cela), pas une seule fois au cimetière des Gonards. Si je n’avais eu qu’un seul jour de bon je serais allé plutôt qu’au Château et à Trianon, aux Gonards, surtout M. de Montesquiou n’étant pas à Versailles, ne pouvant pas y aller, j’aurais eu un sentiment très doux en me disant que je le remplaçais[,] que je venais de sa part auprès du pauvre Yturri comme lui si souvent vint de la part de M. de Montesquiou auprès de moi. Et puis je savais par vous, par d’autres, que c’était une tombe unique d’émotion et de beauté2. Et comme je ne pense plus guères qu’aux tombeaux j’aurais bien voulu voir ce que Montesquiou avait fait là et comment son goût avait réussi à donner plus de noblesse encore à sa douleur. Quand il sera revenu à Paris ou à Versailles, je me soignerai pour tâcher de le voir un soir, mais outre que c’est impossible pour tout le monde, avec lui la difficulté avec lui3 grandit encore, car c’est la personne du monde avec qui je me gêne le plus, dans le mauvais sens du mot. Et même s’il se prête pour une fois à mes heures, la possibilité d’une crise intempestive m’empêchera d’oser lui donner un rendez-vous que j’aimerais mieux mourir que rompre, tandis que d’autres comprendraient. Vous pouvez lui dire que j’ai eu une grande joie à recevoir les Hortensias bleus que je n’avais jamais tant aimés4. Les pièces du début m’ont paru plus exquises qu’autrefois. Quant à l’Ancilla dont je vous ai appliqué ce fragment dernièrement5, c’est une chose admirable, un magnifique pendant de La servante au grand cœur6. Il me semble (mais je n’en suis pas sûr) que la pièce à Yturri a été retouchée et peut’être pas améliorée. Elle reste peut’être ce qu’il a jamais écrit de mieux mais je ne me rappelle pas que la couronne fût verte la première fois et je ne sais pas si c’est mieux ainsi7. Inutile de lui dire cela, d’abord parce qu’il s’en ficherait complètement, ensuite parce que c’est un doute très vague, et que je ne suis pas du tout sûr d’avoir raison.
Avez-vous été interrogé par les Lettres au sujet de Shakespeare Tolstoï8. Je suis trop souffrant pour répondre, je ne peux pas vous dire ce que rien qu’une lettre comme celle-ci m’épuise. Plusieurs personnes (notamment Me G. de Caillavet) m’ont écrit que votre Noël était adorable9. J’aurais bien voulu l’entendre, Bunchnibuls, et suis triste de n’avoir pas pu. Dites à M. de Montesquiou que je n’ai même pas pu aller à l’enterrement de mon pauvre oncle10.
Tendrement à vous
Marcel.
Vous pouvez dire à M. de Montesquiou que je n’ai pas été une seule fois assez bien pour voir Miss Deacon qui habitait le même hôtel11.
Dites à Montesquiou que d’ailleurs cela n’intéressera pas que je commence à aimer beaucoup les objets12. »


1- Letter dated “Monday”; must date either from Monday 31 December 1906 or from Monday 7 January 1907: allusion to the news that Proust had of a performance of the recipient’s Christmas (see infra note n°9)

2- In a letter to Montesquiou dated November 18, 1905, Proust apologized for not having been able to attend the inauguration of the monument in honor of Gabriel de Yturri: « I would have liked my strength to allow me to unite with the little group… ». Robert de Montesquiou died on 11 December 1921 and was buried in the same vault as his companion.

3- By slip, Proust repeats “with him”

4- Les Hortensias bleus. Definitive edition with portrait of the author after a painting by Laszlo. [Paris] 1906. It is the first volume of the poet’s definitive work, published in December 1906 by Georges Richard, 7, rue Cadet. The first edition of the work had appeared in 1896.

5- In a letter to the same recipient dated December 13, 1906, Proust quoted some verses from Montesquiou that he had slightly modified.

6- Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Tableaux parisiens, vol. 1, ed. Claude Pichois, Pléiade, p. 100:
La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs. […]

7- An allusion to the sonnet In Memoriam, which Montesquiou placed after the preface to the collection in question, a piece entitled In Memory of Gabriel de Yturri. It begins:
Mes sentiments pour Vous sont fiers d’être éternels;
Ils ont assez duré pour avoir fait leur preuve
Sérieux, dans la joie, et, sereins, sous l’épreuve,
Et, sans jamais mentir aux pactes fraternels.
Chacun de nous eut droit à sa verte couronne:
La mienne, je l’espère, et l’attends, sans émoi;
La vôtre, si, d’avance, ici, je vous la donne,
Recevez-la sans trouble, en la tenant de moi.

8- The magazine Les Lettres had asked some French writers and artists for their opinion on this judgment of Tolstoy, reported by Georges Bourdon in his book Listening to Tolstoy (1904)

9- Allusion to the performance given at the home of Mrs. Madeleine Lemaire on New Year’s Eve. It is apparently the Pastorale de Noël, a mystery in one act by Arnous Grevan, adapted by Leonel de La Tourasse and Taurines, with piano accompaniment by Reynaldo Hahn.

10- This is Georges Denis Weil, brother of Jeanne Weil-Proust. The funeral took place on August 27, 1906. It was Robert Proust, Marcel’s brother, who went there to lead the mourning.

11- Gladys-Mary Deacon, daughter of Edward Parker Deacon and Florence Baldwin

12- A play on words, it seems, alluding to both trinkets and Montesquiou’s poem entitled Objets. Cf. Les Hortensias bleus, LXXVI of the 1896 edition; LXXII of the definitive edition of 1906.


We know Hahn’s letter to Montesquiou (now in the Montesquiou collection at the BnF), sent the next day or the day after, in which he forwards Proust’s request:
“Dear Sir, I have communicated your letter to Marcel. I am sending you his reply [this letter]. I haven’t seen him for several days. It is, alas, all too true, that not once did he go out, at Versailles […] »

It was at Madeleine Lemaire’s house, on April 13, 1893, that Marcel Proust met Robert de Montesquiou. The latter, portrayed as the Baron de Charlus in The Search, a character of irascible character and sharp verve, made a completely different impression on Proust during this first meeting. A dandy with a pure profile, a fascinating look… Proust fell under the admiration of Montesquiou and a current of sympathy was established between them. . This admiration was followed by a friendship that lasted until the last days of the dandy-poet in 1921.
Montesquiou is known to have had only one affair: that with his much-loved and mourned secretary, Gabriel de Yturri. He died of diabetes on July 6, 1905.

This is a remarkable testimony of intersecting relationships, each of the people mentioned here inspiring Proust for major figures in The Search.

Provenance:
Autographes littéraires et historiques, Lettres de Marcel Proust [Marie Nordlinger] (Drouot, 15th – 17th December 1958, lot 188).
After Reynaldo Hahn, his cousin Marie Nordlinger, who had helped Marcel Proust in his translation of Ruskin, inherited it.

Bibliographie :
Correspondance, t. VII, Kolb, Plon, n°5
Lettres à Reynaldo Hahn, éd. Philip Kolb, Gallimard, LXXVIII

Source :
Marcel Proust I – Biographie, Jean-Yves Tadié, Folio, pp. 283-295